Foire aux questions - Aide juridictionnelle


THÈMES

Honoraires | Renonciation/Retrait de l'aide juridictionnelle | Périmètre | Liberté de choix de l'avocat | Obligations de l'avocat | Assurance de protection juridique | AJ Garantie


Honoraires

> Un avocat peut-il réclamer à un client bénéficiaire de l’aide juridictionnelle des honoraires pour les diligences accomplies au-delà de sa mission ?

La pratique de certains avocats consistant à faire signer à leurs clients, bénéficiaires de l’aide juridictionnelle totale, des conventions d’honoraires prévoyant le règlement, par ces derniers, de leurs frais de bureau ou de déplacement, en mentionnant que l’indemnité versée par l’Etat n’inclut pas ces frais, est illégale et induit le client en erreur.

Il résulte de l'article 32 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 que la contribution due au titre de l'aide juridictionnelle totale est exclusive de toute autre rémunération, et de l’article 40 de la même loi que l’AJ concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie.

L’avocat ne peut donc en aucun cas demander ni accepter des honoraires de son client bénéficiaire de l’AJ totale, étant rappelé qu’aux termes de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires tiennent compte, entre autres critères, des frais exposés par l’avocat.

S’agissant des frais de déplacement, les tableau annexés de l’article 90 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ne prévoient de majoration de l’indemnité qu’en cas de déplacement pour une expertise.

Enfin, le Conseil d’État a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises (par exemple, dans un arrêt du 14 juin 2018 n° 408265), que « la contribution versée aux avocats prêtant leur concours aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle n'implique pas que cette contribution, dont l'unité de valeur est déterminée annuellement par la loi de finances, couvre l'intégralité des frais et honoraires correspondants et que le législateur a ainsi entendu laisser à la charge des auxiliaires de justice une part du financement de l'aide juridictionnelle. Afin de garantir l'objectif d'intérêt général d'accès à la justice des plus démunis, le législateur a prévu un mécanisme de rétribution forfaitaire, qui laisse à la charge des avocats une partie des coûts liés à la mise en œuvre de l'aide juridictionnelle. […] »

Sur le plan déontologique, la pratique évoquée et la mention trompeuse figurant dans la convention est de nature à fonder le client bénéficiaire de l’AJ totale qui se voit réclamer par son avocat le paiement d’une somme, à quelque titre que ce soit, pour la procédure concernée, à saisir le bâtonnier d’une contestation d’honoraires. La Cour de cassation interprète rigoureusement les principes légaux ci-dessus rappelés.

Il n'y a que dans l’hypothèse d’un retrait de l’AJ pour cause de retour à meilleure fortune que l’avocat pourra demander des honoraires, incluant naturellement les frais exposés, à son client, conformément à l’article 36 de la loi du 10 juillet 1991.

Rien n’interdit en outre à l’avocat du bénéficiaire de demander à la juridiction saisie la condamnation de l’adversaire (sous réserve qu’il ne soit pas lui-même bénéficiaire de l’AJ) au paiement d’une somme au titre des honoraires qu’il ne peut réclamer à son client, conformément à l’article 37 de la même loi et à l’article 700 (2°) du code de procédure civile.

Renonciation / Retrait de l'aide juridictionnelle

> La renonciation à l’aide juridictionnelle vaut-elle retrait ?

La renonciation à l’aide juridictionnelle n’est pas envisagée par les textes sur l’aide juridique dans lesquels il est question seulement de retrait décidé par le Bureau d’aide juridictionnelle.
La cour de cassation admet parfois à l’occasion de procédures de taxation d’honoraires que le bénéficiaire ait pu renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle à condition que cette renonciation soit non équivoque.
Qu’il y ait renonciation du client ou demande de retrait émanant de l’avocat, le retrait du bénéfice de l’aide doit être formalisé par une décision de retrait du Bureau d’aide juridictionnelle.

> Quelle rétribution à l’AJ en cas de radiation de l’affaire ?

L’article 93 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 dispose que : « Le juge peut, sur demande de l'avocat ou de l'avocat au Conseil et à la Cour de cassation, allouer à celui-ci une rétribution dont il fixe le montant en fonction des diligences accomplies au cours de l'instance en cas :

  1. D'extinction de l'instance pour une autre cause qu'un jugement, une transaction ou un accord intervenu dans le cadre d'une procédure participative ;
  2. De radiation ou de retrait du rôle ;
  3. De non-lieu ou de désistement devant les juridictions administratives.

Dans tous les cas, le montant de cette rétribution ne peut excéder la moitié de celle fixée par le barème applicable en aide totale sans autre imputation à ce titre. »

L’avocat devra en formuler la demande auprès du juge mais sa rétribution ne sera que partielle.

Toutefois, si l’affaire était rétablie, il pourrait percevoir le complément de cette rétribution (art. 94 D. 28 déc. 2020).

> Quelles sont les modalités d’application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ?

Il est admis que celui qui perd son procès doit en supporter les frais. Ces frais correspondent à ceux exposés par la partie adverse, les dépens (art. 695 CPC), mais aussi aux autres sommes par elle engagées pour faire valoir ses droits (art. 700 CPC), notamment les honoraires d’avocat.

Le dispositif d’aide juridique est doté de son propre système de « répétibilité », permettant de récupérer à l’issue du procès des sommes au titre des honoraires d’avocat. Il résulte de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 que le juge condamne la partie perdante non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle (AJ) à payer à l’avocat de son adversaire bénéficiaire de l’AJ une somme au titre des honoraires qu’il aurait pu percevoir de son client s’il n’avait pas bénéficié de cette aide.

Cet article 37, modifié par loi de finances pour 2021, permet que le montant décidé par le juge à ce titre corresponde, au minimum, à 150 % de l’indemnité d’AJ.

Illustration : hypothèse de l’avocat assistant, au titre de l’aide juridictionnelle (AJ), une partie civile devant la cour d’assises et remportant le procès.

Annexes du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020

Annexe 1

Barème de rétribution des avocats en matière d’aide juridictionnelle

Tableau 1. - Droits des personnes, prudhommes, baux d'habitation, autres matières civiles, appel (extrait)

ProCédUres COEFFICIENT Majorations possibles Demi-journée d'audience supplémentaire
VII. 4. Assistance d'une partie civile ou d'un civilement responsable devant la cour d'assises, la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants statuant au criminel 38 (8) 8

8) Majoration de 2 UV, dans la limite de 4 UV, lorsque l'avocat ayant assisté la partie civile ou l'accusé au cours de l'information devant le pôle de l'instruction appartient au barreau établi près le tribunal judiciaire au sein duquel est établi le pôle et que l'audience a lieu en dehors du ressort de compétence territoriale de ce tribunal.

a) Calcul de l’indemnité d’AJ
Pour cette procédure, l’avocat serait indemnisé à hauteur de 38 UV.

Il résulte du 3ème alinéa de l’article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 que le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de cette unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2021, à 34 €.

L’avocat, à la fin de sa mission, percevrait ainsi de l’Etat une somme allant de 1 292 à 1 698 € HT au titre de l’aide juridictionnelle accordée pour cette procédure, tenant compte d’éventuelles majorations, décomposée comme suit :

38 × 34 = 1 292 €

4 × 34 = 136 €

8 × 34 = 272 €


1 292 + 136 + 272

= 1 698 €

b) Calcul de l'indemnité au titre de l'article 37

Le juge ne pourrait lui accorder au titre de l’article 37 une somme qui soit inférieure à ces montants majorés de 50 % soit une somme allant de 1 938 € à 2 547 € HT suivant les diligences de l’avocat, dont le calcul est décomposé ci-après :

1 292 + (1 292 ÷ 2) = 1 292 × 150/100 = 1 938 € 1 698 + (1 698 ÷ 2) = 1 698 × 150/100 = 2 547 €

Indemnité art. 37 ≥ 150 % indemnité AJ

En-dessous de ces montants, le juge ne se conformerait pas au texte et ferait perdre à l’Etat des deniers qui sont comptés.

Au-dessus de ces minima, le juge se conformerait à l’esprit du texte lorsque ce dépassement est justifié. La majoration de 150 % n’est qu’un seuil. L’indemnité de l’article 37 devant être supérieure ou égale à 150 % de l’indemnité d’AJ, le juge peut naturellement accorder des montants plus élevés lorsqu’il apparaît que les diligences de l’avocat y motivent. A ce dernier de lui fournir tous justificatifs en ce sens.

Il est rappelé que l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 fixe les critères de détermination de l’honoraire de l’avocat et que celui-ci est un professionnel assujetti à la TVA. Le temps passé au traitement de l’affaire n’est donc pas un critère suffisant pour déterminer l’honoraire d’un professionnel libéral.

Nota bene : En son 2ème alinéa, l’article 37 dispose que « [le] juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » Rappel est fait à ce titre que, s’il est nécessaire que l’Etat assume l’effectivité du droit de tous à l’accès à la justice, et prenne en conséquence en charge le coût des actions devant l’ensemble des juridictions, cette nécessité cesse dès lors que le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle gagne son procès contre un adversaire solvable. Rien ne justifierait que restent à la charge de la collectivité les frais qu’une partie a dû engager pour faire valoir des droits qui lui sont déniés, ou au contraire pour résister à une action sans fondement.

c) Le bénéficiaire de l’indemnité fixée par le juge

La partie gagnante est bénéficiaire de la somme que le juge détermine au titre des frais exposés conformément à l’article 700 du code de procédure civile, alors qu’en matière d’aide juridictionnelle, l’indemnité va à l’avocat de la partie bénéficiaire de l’aide.

En secteur libre (hors AJ), chacune des parties supporte les honoraires de son avocat, de sorte que l’indemnité allouée par le juge aille logiquement à celui qui a payé, lequel verra ainsi sa charge allégée.

En revanche, le bénéficiaire de l’AJ, qui n’a rien payé, n’a rien non plus à recevoir. Son avocat procèdera donc, en son nom propre, au recouvrement contre la partie adverse, en contrepartie de quoi il renoncera à percevoir ce que lui aurait versé l’Etat.

> Un avocat peut-il demander le retrait d’une aide juridictionnelle dont le bénéfice est « de droit » sur le fondement de l’article 36 de la loi du 10 juillet 1991 ?

Le principe de l’aide juridictionnelle est basé sur la situation financière des personnes ou une situation « particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès » (article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991).

Mais le critère de ressources comporte des exceptions (voir, notamment, articles 9-1, 9-2, 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991). En tels cas, l’aide juridictionnelle, n’ayant pas été accordée sur critère de ressources, il est de bon sens qu’elle ne saurait être retirée au motif que la décision rendue au profit du bénéficiaire lui aurait procuré des ressources telles que l’aide ne lui aurait été accordée.

La contribution due au titre de l'aide juridictionnelle totale à l'auxiliaire de justice est exclusive de toute autre rémunération (article 32 de la loi du 10 juillet 1991), sans la réserve de l’article 36.

En conséquence, l’AJ octroyée sans examen des ressources ne saurait être retirée sur le fondement des ressources procurées à l’issue de la procédure concernée, sauf à ce que, de lui-même, le client renonce au bénéfice de l’AJ de droit.

> Comment mettre en œuvre simultanément les mécanismes des articles 36 et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ?

L’article 36 de la loi du 10 juillet 1991 donne la possibilité pour l’avocat de demander des honoraires à son client après retrait de l’aide juridictionnelle prononcé pour cause de retour à meilleure fortune et l’article 52 de la même loi prévoit que la conséquence du retrait est l’obligation pour le bénéficiaire de restituer les sommes versées par l’Etat.

En pratique, l’avocat, une fois le jugement rendu et l’attestation de mission délivrée va percevoir l’indemnité que le client, en cas de retrait, devra rembourser à l’Etat. L’avocat peut alors lui demander des honoraires en tenant compte de l’indemnité qu’il aura perçue de l’Etat. Afin de respecter les dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, il aura été prudent que cet honoraire ait fait l’objet d’une convention d’honoraires sous condition suspensive du retrait de l’aide juridictionnelle.

L’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (et l’article 700 du code de procédure civile) pose en principe que le juge condamne la partie perdante non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle à payer à l’avocat de son adversaire bénéficiaire de l’AJ une somme au titre des honoraires qu’il aurait pu percevoir de son client s’il n’avait pas bénéficié de cette aide. En cas d’octroi d’une somme à ce titre par le juge, l’avocat renonce à percevoir l’indemnité de l’Etat s’il parvient à recouvrer cette somme.

Dans l’hypothèse où l’avocat du bénéficiaire de l’AJ met en œuvre successivement les deux mécanismes, de l’article 37 puis de l’article 36, la situation devrait se présenter comme suit.

L’avocat convient avec son client bénéficiaire de l’AJ d’un honoraire qui serait dû en cas de retrait de l’aide pour cause de retour à meilleure fortune résultant du jugement. Cette convention doit prévoir que sera déduite de cet honoraire soit l’indemnité versée par l’Etat au vu de l’attestation de mission délivrée avec le jugement, soit la somme recouvrée contre l’adversaire en application de l’article 37.

En application de l’article 37 et du 2ème alinéa de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne l’adversaire à payer à l’avocat une somme au titre de l’honoraire qu’il aurait pu demander à son client si celui-ci n’avait pas obtenu l’aide juridictionnelle.

Si l’avocat recouvre cette somme, il renonce au bénéfice de l’AJ. S'il la recouvre en partie seulement, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat.

Si le jugement, devenu définitif, permet un retour à meilleure fortune du bénéficiaire de l’AJ, et que le retrait de l’AJ est prononcé pour ce motif, l’avocat peut mettre en œuvre la convention d’honoraires initialement conclue sous cette condition en déduisant de l’honoraire réclamé à son client soit la part de l’indemnité de l’Etat (que le client devra rembourser à l’Etat) soit la somme recouvrée contre l’adversaire.

Périmètre de l'aide juridictionnelle

> Quelle est l’étendue de la mission d’aide juridictionnelle ?

Aux termes de l’article 11 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, « l'aide juridictionnelle s'applique de plein droit aux procédures, actes ou mesures d'exécution des décisions de justice obtenues avec son bénéfice, à moins que l'exécution ne soit suspendue plus d'une année pour une cause autre que l'exercice d'une voie de recours ou d'une décision de sursis à exécution. Ces procédures, actes ou mesures s'entendent de ceux qui sont la conséquence de la décision de justice, ou qui ont été déterminés par le bureau ayant prononcé l'admission. »

La transcription du divorce à l’état civil et la publication du jugement opérant un transfert de propriété, par exemple, font incontestablement partie des actes qui sont la conséquence de cette décision de justice et doivent en conséquence être accomplies au titre de la mission d’aide juridictionnelle.

Toutefois, conformément à l’article 36 de la même loi, lorsque la décision passée en force de chose jugée, rendue au profit du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, a procuré à celui-ci des ressources telles que, si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée, l'avocat désigné peut demander des honoraires à son client après que le bureau d'aide juridictionnelle a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle.

Un bien, même non productif de revenu, peut être pris en compte au titre des revenus par le Bureau d’aide juridictionnelle (article 4 de la loi du 10 juillet 1991).

C’est donc la décision de retrait par le Bureau d’aide juridictionnelle qui rendrait exigibles d’éventuels honoraires de l’avocat. Dès lors, l’honoraire et les modalités de sa fixation seront librement convenus entre l’avocat et son client. L’avocat pourra donc facturer au client les honoraires qui lui sont dus pour ses prestations conformément aux critères de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Toutefois, l’avocat peut dès le départ proposer à son client de conclure une convention d’honoraires en cas de retrait de l’aide juridictionnelle afin qu’il se prépare à cette éventualité.

> L’aide juridictionnelle peut-elle être accordée dans le cadre de litiges transfrontaliers ?

L’aide accordée dans les litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale est prévue par (article 3-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991).

Le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 énonce les frais concernés (articles 116 et 117) et le recouvrement des sommes avancées par l’Etat (article 124).

Le recours à cette aide procède du fait qu’un aspect du litige comporte un élément d’extranéité qui se situe sur le territoire de l’Union européenne (directive 2003/8/CE du Conseil du 27 janvier 2003).

Ainsi, toute personne physique domiciliée ou résidant régulièrement dans un Etat membre de l’Union européenne – exception faite du Danemark – pourra, si elle est partie à un litige transfrontalier de nature civile ou commerciale se déroulant en France, solliciter l’aide juridictionnelle. En cas d’admission, les frais liés au caractère transfrontalier du litige (frais de déplacement, d’interprète et de traduction de pièces exigées par le juge) seront pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle.

De même, toute personne physique domiciliée ou résidant régulièrement en France pourra, lorsque le litige se déroule dans un autre Etat membre de l’Union européenne – sauf le Danemark – solliciter l’aide judiciaire dans cet Etat. Les frais liés à la traduction de la demande d’aide et les documents nécessaires à son instruction seront, avant transmission à l’autorité étrangère compétente, avancés par l’Etat (article 117 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020).

En pratique :

La démarche est identique à celle prévue pour l’obtention de l’aide juridictionnelle pour un contentieux interne. Les conditions d’attribution et le taux de l’aide, les frais pris en charge, la possibilité de choisir son avocat ne diffèrent pas. Le dépôt de la demande se fait auprès du Bureau de l’aide juridictionnelle auprès du Service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (SADJAV). Il lui appartient de renseigner le demandeur sur la procédure à suivre pour la constitution de son dossier.

Après examen, le Bureau de l’aide juridictionnelle transmet au Bureau de l'entraide civile et commerciale internationale (BECCI), rattaché à la direction des affaires civiles et du Sceau, lequel transmet lui-même dans les quinze jours à l’autorité étrangère compétente.

Liberté de choix de l'avocat

> Y a-t-il une limite à la liberté du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle de choisir son avocat et d’en changer ?

Le principe du libre choix de l’avocat par le justiciable est absolu en toute matière, quand bien même il serait par ailleurs bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Rien ne s’opposerait donc à ce que le client jouissant de l’aide juridictionnelle demande à changer d’avocat.

L’article 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 va en ce sens en disposant que : « […] Les avocats et les officiers publics ou ministériels sont choisis par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Ils peuvent l'être également par l'auxiliaire de justice premier choisi ou désigné. A défaut de choix ou en cas de refus de l'auxiliaire de justice choisi, un avocat ou un officier public ou ministériel est désigné, sans préjudice de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, par le bâtonnier ou par le président de l'organisme professionnel dont il dépend […] »

La désignation d’un avocat par le Bâtonnier ne revêt donc qu’un caractère subsidiaire.

Le principe du libre choix est un motif suffisamment légitime pour que le bâtonnier fasse droit à la demande du justiciable, bien que cela comporte le risque de successions d’avocats dans une même affaire au gré du client.

Le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle comme tout justiciable a droit à l’assistance d’un avocat qu’il peut choisir librement. A défaut de choix ou en cas de refus de l’avocat choisi, un avocat est désigné par le bâtonnier (article 25 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991).

Le libre choix de l’avocat a pour corollaire la liberté pour l’avocat d’accepter ou de refuser un dossier. Si le bénéficiaire de l’aide estime que le refus des avocats est abusif, il lui appartient de saisir soit le bâtonnier soit le procureur général d’une plainte. Si l’avocat désigné par le bâtonnier ne lui convient pas pour un motif légitime, il peut lui adresser une nouvelle demande de désignation dont il appréciera le bien-fondé.

Attention !
Cas de l’avocat intervenant au titre de l’AJ, dessaisi au profit d’un confrère rémunéré :
La Cour de cassation estime que l’avocat désigné au titre de l’AJ, que le client décide de remplacer en cours d’instance par un avocat rémunéré, ne peut prétendre à la perception d’honoraires (voir en ce sens : Civ. 2e, le 12 juin 2014, n° 13-15579 ; Civ. 2e, 14 juin 2018, FS-P+B, n° 17-21.318).

Cas particulier du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle congédiant tous les avocats successivement désignés :

Il résulte de l’article 78 du décret du 28 décembre 2020 que « [dans] tous les cas où un auxiliaire de justice qui prêtait son concours au bénéficiaire de l'aide est déchargé de sa mission, à défaut de choix par le bénéficiaire, un remplaçant est immédiatement désigné. » Il ne paraît donc pas possible au bâtonnier, en l’état actuel des textes, de refuser de désigner un avocat au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Il convient de concilier cette obligation, qui relève de la mission de service public impartie aux Ordres, avec la responsabilité de l’avocat. Il appartient à l’avocat désigné de conseiller le client bénéficiaire de l’AJ quant à l’opportunité de l’action envisagée et, à défaut de pouvoir convaincre ledit client de renoncer à son action, de lui adresser une lettre recommandée avec accusé de réception pour décliner sa responsabilité en cas d’échec, en le prévenant de toutes les conséquences possibles (dépens, dommages et intérêts, etc.). Il est d’usage également que le bâtonnier s’auto-désigne après des décharges successives.

Toutefois, des circonstances particulières doivent pouvoir justifier de déroger à cette obligation, sans risque pour le bâtonnier d’engager sa responsabilité.

La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur cette situation. Par exemple :

  • Tribunal correctionnel de Meaux, 5 septembre 2016, a relaxé de deux avocats cités à comparaître pour escroquerie ;
  • Cour d’appel de Rennes, 14 février 2017, a considéré que le justiciable s’était privé de défenseur par son attitude ;
  • Cour européenne des droits de l’homme, 6 oct. 2016, Jemeljanovs c. Lettonie, req. n° 37364/05, a rejeté la requête d’un homme qui a congédié, à deux reprises, les avocats qui lui avaient été commis d’office, en raison d’un désaccord sur la stratégie de défense. Si le droit letton diffère du droit français où le refus du bâtonnier de désigner un avocat contrevient explicitement à la législation en vigueur, cet arrêt confirme qu’il est possible de fixer des limites à cette obligation de désigner.

La Cour de cassation, par arrêt n° 17-22662 du 18 octobre 2018, a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes précité, considérant que « par ses refus réitérés d’être assisté gratuitement par un conseil, conjugué à son hostilité exprimée à l’encontre des avocats, [le demandeur] s’était de lui-même mis dans la situation d’être privé d’un défenseur ». La Cour, sans se prononcer sur l’obligation faite au bâtonnier de désigner un remplaçant à l’avocat déchargé (anc. art. 84 D. 91-1266 19-12-1991), n’ignore pas cependant la difficulté et paraît encline à prendre en compte le comportement du bénéficiaire de l’AJ. Même s’il ne s’agit que d’un arrêt d’espèce, il est de nature à mettre en garde les justiciables dont l’attitude grippe le mécanisme de désignation.

Il appartient au législateur de prévoir sinon des exceptions du moins des atténuations à l’obligation faite au bâtonnier de désigner tout en continuant à garantir un accès effectif au droit. A noter qu’en amont, le Bureau d’aide juridictionnelle apprécie « le caractère manifestement irrecevable, dénué de fondement ou abusif de l'action » (article 50 du décret du 28 décembre 2020).

La position de principe de la cour de cassation est exprimée dans un arrêt de sa 2ème chambre civile du 22 septembre 2016 (pourvoi n° 15-21625). Au visa des articles 6 de la CEDH et 25 de la loi relative à l’aide juridique, elle a considéré que l’assistance par avocat doit constituer un droit « concret et effectif ». Elle admet toutefois implicitement que le bâtonnier puisse à un moment considérer qu’il est dans « l'impossibilité […] de procéder à une désignation, plusieurs avocats ayant antérieurement demandé à être déchargés ou l'ayant été par l'intéressé lui-même » (Cass. crim. 31 mai 2016, n° 15-85157).

Obligations de l'avocat

> Le retrait des listes de permanence peut-il constituer une sanction du non-respect de l’obligation de formation continue ?

L’article 14-2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 rend obligatoire la formation continue des avocats. Cette obligation s’impose à tous les avocats inscrits aux tableaux de l’Ordre. Il s’agit d’une obligation déontologique dont le non-respect est susceptible d'une sanction disciplinaire.

La commission d’office relève des prérogatives propres du bâtonnier, résultant tant de diverses dispositions du code de procédure pénale que des articles 9 de la loi du 31 décembre 1971 et 6 du décret déontologie n° 2005-790 du 12 juillet 2005. La chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que « la désignation des avocats commis d'office, instituée en faveur des justiciables, relève des prérogatives propres du bâtonnier auquel revient la responsabilité du choix de l'avocat » et que ces décisions ne sont pas susceptibles de recours (voir Cass. civ. 1ère, 27 février 2013, n° 12-12878).

La question de l’inscription ou du relèvement d’un avocat sur les listes de permanences relève donc de la seule compétence du bâtonnier à qui il appartient de les établir.

En revanche, le relèvement ne saurait constituer une sanction disciplinaire.

En cas de contravention à une règle professionnelle, l’avocat s’expose aux sanctions disciplinaires énumérées à l’article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Il appartient au conseil de discipline de connaître des infractions et fautes commises par les avocats relevant des barreaux où ils s'y trouvent établis.

Assurance de protection juridique

> Un assuré est-il tenu de choisir un avocat conseillé par son assureur ?

La loi pose un principe de libre choix par le justiciable de son avocat. Il résulte de l’article L127-3 du Code des assurances que l’assureur de protection juridique doit respecter le libre choix de l’avocat ce qui doit, au surplus, être rappelé au contrat.

Le fait, par exemple, pour l’assureur de communiquer à l’assuré les coordonnées de cabinets d’avocats que, probablement, il sollicite couramment, n’est un procédé déloyal ni envers l’assuré ni envers les avocats, dans la mesure où la représentation par avocat est recommandée et la liberté de choix réaffirmée – quoique l’on puisse y déceler quelque arrière-pensée commerciale.

En revanche, une clause du contrat d’assurance énonçant, par exemple, que les plafonds de remboursement sont plus bas dans l’hypothèse où l’assuré décide d’être défendu par un avocat de son choix caractérise une pratique déloyale de l’assureur. Une telle clause est de nature en effet à dissuader l’assuré de recourir à un avocat, par lui choisi, en le privant des garanties qu’il a souscrites s’il exerçait ce droit. Il y a là une incitation à renoncer à la liberté de choix de son avocat par l’assuré, qui va à l’encontre de la politique d’accès au droit.

> L’assurance de protection juridique se substitue-t-elle totalement à l’aide juridictionnelle ?

Depuis la réforme de l’assurance de protection juridique par la loi n° 2007-210 du 19 février 2007, l’aide juridictionnelle n’est accordée, sous réserve des autres conditions (notamment le niveau de ressources), que dans la mesure où le demandeur n’est pas couvert par une assurance de protection juridique pour la procédure considérée.

Un décret n° 2014-1502 du 12 décembre 2014 est venu préciser que le demandeur à l’aide juridictionnelle doit joindre à sa demande une attestation de non-couverture. Désormais, les formulaires de demande d’aide juridictionnelle comportent une notice rappelant les démarches à effectuer auprès de l’assureur, préalablement au dépôt de la demande. Le but est d’éviter la réception et le traitement par le Bureau d’aide juridictionnelle de demandes qui seraient vouées à l’échec en raison de la subsidiarité de l’aide juridictionnelle.

En conséquence, le principe posé par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 est que l’aide juridictionnelle est conditionnée par une insuffisance de ressources et l’absence de prise en charge des frais par une assurance de protection juridique (article 2). Au cas où l’assuré ne bénéficierait que d’une prise en charge partielle des frais de procédure par son assureur, il serait admis à déposer une demande d’aide juridictionnelle. Dans cette hypothèse, le demandeur à l’AJ devrait justifier du plafond de garantie et de la nature des frais pris en charge, l’aide juridictionnelle venant alors en complément de la couverture (circulaire du 24 février 2015).

AJ Garantie

> AJ garantie : quand l’attestation sur l’honneur est-elle requise ?

L’article 19-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 est une exception aux règles d’attribution de l’aide juridictionnelle, permettant à l’avocat, dans les procédures énumérées où il est commis d’office, de ne pas se trouver privé de tout règlement lorsque son client, non admis à l’aide, ne s’acquitte pas des factures d’honoraires. Cette mesure, dite AJ garantie, est favorable aux avocats qui peuvent toujours décider d’être rémunérés par leurs clients suivant un honoraire librement convenu, plus avantageux que l’indemnité d’aide juridictionnelle.

Lorsque l'avocat intervient au titre de cet article 19-1, il produit à l’appui de sa demande de règlement « une attestation sur l'honneur d'avoir informé la personne ayant bénéficié de son intervention que, dans l'hypothèse où elle s'avèrerait non-éligible à l'aide juridictionnelle ou à l'aide à l'intervention de l'avocat, les sommes perçues au titre de sa mission d'assistance seront recouvrées à son endroit par l'Etat, et mentionnant, le cas échéant, le montant des honoraires versés » (article 13 D. n° 2021-810 du 24 juin 2021).

L’attestation sur l’honneur comporte trois éléments :

  • L’information donnée au client que, dans l’hypothèse où il ne serait pas éligible à l’AJ, les sommes versées à ce titre seront recouvrées à son endroit par l’Etat
  • La déclaration des éventuels honoraires perçus
  • Le tampon du bâtonnier attestant que l’avocat est commis : c’est là l’objectif premier de l’attestation.

Toutefois, l’information faite au client de ce qu’il peut devoir rembourser l’indemnité d’AJ à l’Etat n’a pas à être délivrée aux personnes suivantes :

  • Mineurs
  • Majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique
  • Personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement
  • Absents à l’audience

Depuis le 1er juillet 2021, l’attestation sur l’honneur doit impérativement être produite. Cette attestation ne doit pas être réduite à sa seule fonction d’information faite au client sur un remboursement éventuel. Sa remise déclenche le règlement par la CARPA qui en contrôle la validité. Il n’y a pas de possibilité de s’y soustraire, s’agissant de deniers publics. Le formulaire doit être rempli et l’information donnée. Aucun paiement ne pourra être effectué sur la base d’un formulaire non rempli ou mal renseigné (voir dépêche du ministère de la Justice du 25 août 2021).