Le décret n° 2022-546 du 13 avril 2022, portant application de diverses dispositions de procédure pénale de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire et visant à améliorer la transparence et l'équité dans les procédures pénales a fait l'objet d'une annulation partielle par une décision du 24 juillet 2024 du Conseil d'Etat après un recours de l'Association française des magistrats instructeur (AFMI) et l'Union syndicale des magistrats (USM).
Ce décret introduisait notamment en son article 10 la possibilité pour les avocats de reproduire des éléments du dossier pénal aux moyens d'outils numériques portatifs comme un téléphone portable ou scanner portatif et répondait ainsi à une demande de la profession portée par le Conseil national des barreaux. Ce dernier est donc intervenu volontairement en défense contre les requêtes déposées par l'AFMI et l'USM afin de défendre cette possibilité, nécessaire aux droits de la défense.
Le Conseil d'Etat a annulé les articles suivants :
- Article 2 (annulation partielle), en ce qu'il impose au juge d'instruction d'une juridiction dépourvue de pôle de l'instruction de se dessaisir automatiquement au profit d'un juge du pôle de l'instruction, sur réquisition du procureur. Cette obligation était en contradiction avec les termes de l'article 118 du code de procédure pénale qui prévoit que ce dessaisissement doit rester facultatif. Elle a ainsi été annulée.
- Article 6, qui impose des délais au procureur de la République et au prévenu pour décider ou demander le recours à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité selon les modalités de l'article 495-1 du code de procédure pénale, lequel permet le recours à la CRPC alors qu'une juridiction a déjà été saisie. Cette disposition ajoute des règles à la loi et ne pouvait donc être regardée comme ayant simplement déterminé les modalités d'application. Ell a par conséquent été annulée.
- Article 10, qui permet aux avocats de réaliser eux-mêmes une reproduction de tout ou partie des éléments du dossier pénal par tout moyen, et notamment pas l'utilisation d'un scanner portatif ou la prise de photographies lorsque la loi leur autorise la consultation de ce dossier (art. 77-2, 80-2, 114, 393, 495-8, 627-6, 696-10, 706-105 et 803-3 du code de procédure pénale). Cette faculté allait au-delà des dispositions légales, lesquelles ne permettent qu'une simple consultation du dossier. Selon le Conseil d'Etat, il résulter en effet des dispositions légales que « le législateur a entendu, s'agissant des procédures concernées, limiter le droit des avocats à une simple consultation du dossier, sans leur permettre d'en obtenir une copie ni a fortiori d'en réaliser par eux-mêmes une reproduction intégrale ou partielle dans le cadre de cette consultation. » Le Conseil d'Etat a, en conséquence, annulé l'article 10.
Eu égard aux conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement du service public de la justice qui résulteraient d'une annulation rétroactive, les effets produits antérieurement à la date de la décision par les dispositions des articles 2, 6 et 10 du décret sont définitifs et l'annulation ne vaut que pour l'avenir.
Le Conseil d'Etat a rejeté les demandes d'annulation des articles suivants :
- Article 3, précisant les modalités d'application de l'article 77-2 II du code de procédure pénale, lequel permet de demander au procureur de la République de prendre connaissance du dossier de la procédure afin de formuler ses observations au cours de l'enquête préliminaire ;
- Article 5, précisant les modalités d'organisation de la réunion préparatoire criminelle prévue par l'article 276-1 du code de procédure pénale ;
- Article 7, articulant les transmissions d'information entre le procureur européen délégué et les procureurs nationaux.
Le Conseil d'Etat a par ailleurs refusé de transmettre à la Cour de cassation des questions préjudicielles portant sur l'interprétation des articles 52-1 et 118 ainsi que des articles 242 et 276-1 du code de procédure pénale.
Le Conseil national des barreaux mettra tout en œuvre pour que ce dossier revienne sur la scène législative dans les meilleurs délais et que les avocats retrouvent la possibilité de reproduction numérique des dossiers pénaux