Valérie Duez-Ruff est avocate au barreau de Paris et membre de la commission Égalité du Conseil national des barreaux. Elle témoigne des discriminations auxquelles elle a du faire face au début de sa carrière et de son engagement au barreau de Paris puis au Conseil national des barreaux pour le droit des femmes dans la profession.
Crédit : Brian du Halgouet - 2018
Le sexisme m’a surtout frappé lors de ma première grossesse lorsque, collaboratrice d’un petit cabinet, mon patron m’a dit « je n’en ai rien à faire que vous ayez un mari handicapé ou un enfant, ce que je veux c’est que vous travaillez plus sinon j’en tirerais les conséquences ».
Je pensais avant ces causes dépassées car gagnées par nos mères
Sensibilisée comme de nombreuses femmes de ma génération aux revendications féministes, je pensais avant ces causes dépassées car gagnées par nos mères. Pourtant, en tant que femme, j’avais déjà été confrontée à des comportements sexistes de confrères mais sans que, à l’époque, 10 ans avant le phénomène #balancetonporc, on n’ose encore en parler.
Face à une discrimination si flagrante et à l’impression de me sentir seule dans une telle situation, j’ai décidé de m’installer et de créer l’association Moms à la Barre, pour aider les consœurs à sortir de leur isolement et lutter contre les discriminations. Le succès de l’association, signe d’un réel besoin, m’a conduit à me présenter au conseil de l’Ordre des avocats de Paris, pour œuvrer au cœur même de l’institution.
J’ai réalisé une enquête dont la conclusion, inquiétante, révélait que pour 82,87 % des avocates parisiennes sondées, la maternité demeurait un frein dans une carrière, frein qu’elles espéraient compenser dans les cinq années suivant la naissance/adoption (33,77 %), dans les dix années (22,24 %), ou pire qu’il ne le serait jamais (27,56 %).
J'ai [...] fait introduire dans l’organigramme une commission de lutte contre le harcèlement et la discrimination afin d'offrir aux confrères une écoute dédiée à ces problématiques spécifiques
Concrétisant l’engagement pris, j’ai, lors de ma mandature au conseil de l’Ordre (2014-2016), fait introduire dans l’organigramme une commission de lutte contre le harcèlement et la discrimination afin d'offrir aux confrères une écoute dédiée à ces problématiques spécifiques. Après deux séances de débats animés, le règlement intérieur du barreau de Paris comporte également un article intitulé "Interdiction de faits de harcèlement ou de discrimination" et rédigé comme suit : « Le fait pour un avocat de harceler autrui ou d’avoir à son égard, une attitude discriminatoire, au sens de la loi, constitue une infraction aux principes essentiels. ».
En juin 2017, devenue présidente de la commission Egalité et Diversité de l’ACE, j’ai actualisé les résultats de l’enquête de 2013 en l’étendant aux hommes, et à l’échelon national. Malheureusement, les chiffres sur l’impact de la maternité sont restés stables.
Les questions sur le harcèlement et la discrimination ont été très éclairantes. Ainsi, 35 % des sondés estiment avoir subi une discrimination et 26 % un harcèlement au cours de leur vie professionnelle d’avocat. Précisons que les motifs de discrimination les plus couramment relevés sont en premier lieu le genre et précisément le fait d’être femme, la maternité, puis viennent les considérations raciales /ethniques, l’origine sociale, l’âge et le physique.
C’est dans la prolongement de mon engagement sur ces questions de harcèlement et de discrimination, et pour continuer d’œuvrer sur cette cause, que je me suis présentée au Conseil national des barreaux.