Par un arrêt du 6 février 2025, la Cour de cassation juge inapplicable l'article 750-1 du CPC à une instance engagée avant le 22 septembre 2022, date de son annulation par le Conseil d'État. Elle confirme ainsi que la condition prévoyant un préalable de conciliation avant toute action en justice n’excédant pas 5 000 euros ou relatives à certaines matières, ne saurait fonder l’irrecevabilité d’une demande en cours à cette date, suivant la position de la DACS et le principe de non-rétroactivité modulée. Le CNB est à l’origine de l’annulation par le Conseil d’Etat de la première version de cet article.
Par un arrêt du 6 février 2025, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur les effets de l'annulation de l'article 750-1 du code de procédure civile (CPC) dans sa rédaction issue de l'article 4 du décret du n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 prescrivant un préalable obligatoire de conciliation avant toute action en justice n'excédant pas 5 000 euros ou relatives à certaines matières.
Saisi notamment par le Conseil national des barreaux d'un recours en excès de pouvoir contre le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 22 septembre 2022 (5e et 6e chambres réunies, n° 436939) a annulé l'article 750-1 du CPC faute pour le pouvoir réglementaire de na pas avoir défini de façon suffisamment précise les modalités et les délais d'indisponibilité du conciliateur.
Eu égard aux conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement du service public de la justice qui résulteraient d'une annulation rétroactive de cette disposition, le Conseil d'Etat a toutefois regardé comme définitifs les effets produits par l'article 750-1 du CPC pour les décisions rendues avant son annulation, sous réserve des actions engagées à la date de la décision du Conseil d'Etat.
L'arrêt de la Cour de cassation statue sur les incidences de cette annulation pour les affaires en cours antérieurement au rétablissement de l'article 750-1 du CPC par le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, applicable à compter du 1er octobre 2023, fixe à trois mois le délai au-delà duquel l'indisponibilité de conciliateurs de justice dispense les parties de l'obligation préalable de tentative de résolution amiable du litige.
En l'espèce, la Cour de cassation était saisi d'un pourvoi en cassation formé le 9 août 2022 contre un jugement rendu le 31 mai 2022 par le tribunal judiciaire d'Ajaccio qui avait déclaré irrecevable la demande en paiement pour une somme d'argent inférieure à 5 000 euros formée contre un architecte faute de tentative préalable de conciliation.
Dans son arrêt du 6 février 2025 publié au Bulletin (n° 22-20.070), la Cour de cassation censure cette décision au visa de l'article 750-1 du CPC, dans sa rédaction initiale issue du décret du 11 décembre 2019. Rappelant que le Conseil d'Etat avait décidé de déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses en sorte que les effets produits par ce texte sont définitifs sous réserve des actions engagées à la date de la décision, la deuxième chambre civile considère que l'instance litigieuse étant atteinte par l'effet rétroactif de l'annulation, et que l'article 750-1 du CPC n'est pas applicable au litige.
Cette solution va dans le sens de la position exprimée par la DACS qui dans sa dépêche du 7 octobre 2022, avait considéré que « ramenée à la procédure civile, la notion "d'actions engagées à la date" de la décision du Conseil d'Etat ne peut s'interpréter qu'au travers de celle d'instance en cours », et que « par conséquent, il n'est plus possible, dans l'ensemble des instances en cours, de prononcer ou de confirmer l'irrecevabilité de la demande sur le fondement de l'article 750-1 du CPC, même si au jour de la demande celle-ci n'avait pas été précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative. »
Cette position a aussi été réaffirmée dans sa circulaire de présentation des décrets n° 2023-686 du 29 juillet 2023 et n° 2023-357 du 11 mai 2023. Le nouvel article 750-1 du CPC issu du décret du 11 mai 2023 ne s'applique qu'aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023. La DACS précise aussi que « pour les instances en cours au 22 septembre 2022 ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, l'article 750-1 du code de procédure civile ne s'applique pas tant dans sa rédaction antérieure, annulée sans aménagement, que postérieure. »