Dans sa résolution, l'assemblée générale du CNB conteste l'application du régime BNC aux rémunérations techniques des associés de SEL et donne mandat au bureau d'introduire toute demande d'abrogation ou tout recours utile relatifs aux commentaires administratifs et dispositions du BOFiP, ainsi que de relancer les discussions avec l'administration fiscale afin de trouver une solution adaptée aux spécificités de la profession d'avocat.
La commission Statut professionnel de l'avocat a présenté un rapport sur le régime fiscal applicable à la rémunération technique des associés de sociétés d'exercice libéral (SEL).
Des SEL d'avocats, dans les sociétés d'exercice de droit commun (SEDC) à risque limité d'avocats (SELARL, SARL, SA, SELAFA, SAS, SELAS), l'associé qui exerce la profession d'avocat au sein de la société peut être rémunéré pour ses fonctions de direction dans la société et/ou pour l'exercice de sa profession d'avocat au sein de cette société.
Cette dernière rémunération, dite « technique », est une originalité des sociétés exerçant une profession libérale réglementée qui réside dans le statut d'associés exerçant leur profession au sein de la structure.
En droit commun, ce statut d'associé exerçant n'existe pas : un associé peut être soit un mandataire social, soit salarié. À défaut de l'un de ces deux statuts, il n'a aucune fonction dans l'entreprise et ne participe qu'à l'assemblée générale.
En revanche, dans la SEL et la SEDC ayant pour objet l'exercice d'une profession libérale réglementée, l'associé exerçant a un rôle essentiel puisque c'est par son intermédiaire que la société peut exercer la profession libérale. Aussi, la loi exige-t-elle que la SEL et la SEDC comprennent au moins un « associé professionnel exerçant » : peu importe qu'il soit dirigeant ou non, ce qui compte est qu'il ait la qualité requise pour exercer la profession libérale, en l'espèce : d'avocat. Ceci explique que ces structures versent une rémunération technique aux associés qui exercent la profession d'avocat en leur sein.
La difficulté réside dans la qualification et le régime fiscal de cette rémunération technique perçue par les associés exerçant leur profession au sein d'une structure.
Situation antérieure
Auparavant, la situation était incertaine en raison d'une opposition entre :
- la doctrine fiscale qui considérait que la rémunération technique pouvait être imposée dans la catégorie des traitements et salaires,
- et la jurisprudence du Conseil d'Etat qui considérait que les rémunérations techniques relevaient de la catégorie des BNC.
Cette incertitude concernait toutes les structures, sauf les SELARL et les SARL avec collège de gérance qui bénéficiaient d'une régime dérogatoire, la rémunération globale (contenant la rémunération technique et la rémunération au titre de la gérance) relevait de l'article 62 du CGI.
Situation nouvelle
Le 15 décembre 2022, l'administration fiscale modifiait sa doctrine fiscale pour imposer les rémunérations techniques dans la catégorie des BNC, avec une entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Cette entrée en vigueur ayant été décalé au 1er janvier 2024, l'administration fiscale a publié une nouvelle version de son BOFiP au 27 décembre 2023 pour préciser certains points dans l'application du régime BNC notamment en matière de comptabilité, de TVA, de facturation, de micro-BNC et de CFE.
Mais il reste d'importantes difficultés dans la mise en œuvre du régime BNC notamment sur l'applicabilité du régime lui-même, mais également ses conséquences s'agissant :
- du régime d'exonération de l'article 150 0 D ter du CGI prévoyant un abattement sur la plus-value de cession de titres au moment du départ en retraite,
- des contrats de prévoyance dit « Madelin » qui sont conçus pour indemniser la perte de rémunération perçue au titre de l'article 62 du CGI,
- des conditions d'application du régime « micro-BNC » qui ne font référence qu'aux recettes des années précédentes auxquelles ne peuvent être assimilées les rémunérations 2022 et 2023,
- de la notion d'actes de gestion et de frais professionnels dont les contours ne sont pas clairs et sont source de contentieux.
Dans sa résolution votée en assemblée générale, le Conseil national des barreaux conteste l'application du régime BNC aux rémunérations techniques des associés de SEL en raison :
- des lourdeurs administratives que la mise en œuvre d'un tel régime fiscal introduit ce qui ne contribue pas à favoriser et à développer l'esprit d'entreprise des avocats alors pourtant qu'il s'agit de l'un des principaux objectifs de l'ordonnance n°23-77 du 8 février 2023,
- de la mise en place d'un régime BNC « à la carte » largement imprévisible et peu sécurisé en ce que les associés de SEL, imposés dans la catégorie des BNC en raison de l'exercice d'une activité indépendante, ne bénéficient pas du statut d'indépendant (spécialement le statut d'entrepreneur individuel);
- de l'inadaptation de ce régime fiscal aux associés de SEL qui sont placées dans une situation similaire à celle d'un exploitant individuel soumis au régime BNC, alors même qu'ils ne perçoivent ni recettes - les prestations sont facturées par SEL à ses clients - ni n'engage de dépenses professionnelles, contrairement à l'esprit et à la lettre de l'article 92 du CGI,
- du régime applicable aux SELARL avec collège de gérance, dérogatoire de droit commun, en ce qu'il oblige à prouver la dissociation des rémunérations techniques et des rémunérations de gérance, sous peine de l'application d'un taux fixe de 5%, en mettant en œuvre des critères de dissociabilité irréalistes,
- des critères de mise en oeuvre du régime BNC en ne faisant référence qu'aux recettes des années précédentes, à quoi ne peuvent être assimilées les rémunérations 2022 et 2023,
- de la discrimination introduite entre les associés de SEL et les associés de société d'exercice de droit commun exerçant une profession libérale réglementée ou non, sans être soumis au régime des SEL.
L'assemblée générale rappelle que la modification de l'article 62 CGI, qui consacrerait les spécificités de l'associé professionnel exerçant, serait la solution la plus efficace pour la question du régime fiscal des rémunérations techniques des associés de SEL.
Elle donne donc mandat au bureau :
- pour introduire toute demande d'abrogation, tout recours et toutes interventions utiles relatifs aux commentaires administratifs et dispositions du BOFiP concernant les rémunérations techniques des associés de SEL et d'un éventuel refus d'abrogation,
- pour relancer les discussions avec l'administration fiscale afin de trouver une solution adaptée aux spécificités de la profession d'avocat.