Le CNB avait fait citer la société ACTION CIVILE et son dirigeant à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Paris, alors que celle-ci se présentait comme « le premier site d'actions collectives pour la défense des consommateurs », pour que soient jugées les infractions aux dispositions du droit de la consommation et à la législation règlementant l’exercice du droit qui leur étaient reprochées. Conjointement, l’association de consommateurs UFC QUE CHOISIR avait également fait citer les prévenus devant le même tribunal pour des faits de pratique commerciale trompeuse.
La Cour d’appel de Paris, par arrêt du 15 décembre 2020, avait considéré que les faits de pratique commerciale trompeuse étaient établis, à raison de la commercialisation de « procédure en justice » qui ne pouvaient être engagées collectivement, dans le respect du droit français, alors que les indications portées sur le site d’ACTION CIVILE induisaient le justiciable en erreur, tandis que l’image d’avocats était mise en avant pour accréditer dans l’esprit du public la fiabilité du service. Pour autant, la Cour d’appel avait considéré que la société ACTION CIVILE et son dirigeant n’avait pas commis de délit d’exercice illégal de la profession d’avocat. Sur les intérêts civils, la Cour d’appel avait considéré que s’agissant du délit de pratique commerciale trompeuse, la constitution de partie civile du CNB était irrecevable et avait alloué des dommages-intérêts à l’UFC QUE CHOISIR.
Le CNB a donc formé un pourvoi en cassation sur la question de l’intérêt à agir du CNB. Le moyen du CNB rappelait que selon la loi, il « peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession d’avocat » (art. 21-1, L. 1971).
La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 février 2022, casse partiellement l’arrêt en ses dispositions ayant déclaré le CNB irrecevable à introduire une action destinée à réprimer les infractions définies par le Code de la consommation. La Cour considère qu’il convient d’apprécier, au cas par cas, si l’infraction incriminée a, ou non, porté atteinte à l’intérêt collectif défendu par le CNB.
Sur le pourvoi adverse, l’arrêt est cassé, car il existait une contradiction entre le montant des dommages-intérêts alloués par la Cour d’appel à l’UFC dans ses motifs et dans son dispositif.
Pour le Conseil national des barreaux, cet arrêt est une double satisfaction :Il rejette le pourvoi des prévenus quant à leur culpabilité, qui est maintenant définitive.Il affirme que la recevabilité du CNB aurait dû être examinée selon le critère de l’existence d’un préjudice, et non sur le seul constat de la répression d’une infraction au Code de la consommation, qui évincerait à lui seul le bien-fondé du préjudice de la profession d'avocat.
Le CNB est clairement conforté dans son rôle de protection des intérêts des avocats, mais aussi de celui des justiciables et consommateurs, contre les agissements des acteurs économiques exerçant illégalement le droit. Sans nécessairement qualifier une « assistance » ou une « représentation » illégale, caractéristique d’un exercice illégal de la profession d’avocat, il est de l’intérêt de la profession d’avocat que soient réprimées et réparées les pratiques commerciales trompeuses consistant à voir une société non inscrite à un barreau commercialiser en direction des consommateurs des services juridiques qu’elle n’est pas en droit de proposer, et alors que le nom d’avocats est mis en avant afin de crédibiliser une offre en réalité trompeuse.
La société ACTION CIVILE commercialisait des actions indemnitaires sans être soumise à aucune obligation déontologique, ni à aucune obligation d’assurance. Les consommateurs étaient induits en erreur, tant sur le montant des indemnités auxquels ils pouvaient prétendre que sur la nature de la médiation et des actions en justice promises (individuelles et non collectives). Aucune information n’était fournie aux clients sur les aléas inhérents aux procédures que cette société se proposait d’engager pour leur compte.
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Paris autrement recomposée qui statuera uniquement sur la question des dommages-intérêts à accorder à l’UFC et au CNB.
Dans ce dossier, le CNB avait demandé en appel que les prévenus soient condamnés à lui verser, à titre de dommages et intérêts, la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral, et la somme de 41 951 euros en réparation de son préjudice économique. Le CNB se réservait aussi la possibilité d’évaluer et de solliciter l’indemnisation du préjudice économique complémentaire souffert par la profession d’avocat consistant dans la perte d’une chance de voir les justiciables confier leur intérêt à un professionnel autorisé à représenter leurs intérêts.
Pour aller plus loin : Cass crim, 22 février 2022, n° 20-87.118