22 mai 2025

Le CNB et l’Ordre des avocats de Marseille obtiennent la condamnation d’un « mandataire d’assuré » devant la Cour de cassation

Exercice du droit

Par un arrêt en date du 7 mai 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt du 7 juillet 2023 rendu par la Cour d’appel de Nîmes, statuant en référé, qui avait condamné un « mandataire d’assuré » pour exercice illicite d’une activité de consultation juridique et de rédaction d’actes, lui faisant défense, sous astreinte, de poursuivre son activité en violation des dispositions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.

Le CNB et l’Ordre des avocats de Marseille avaient assigné en référé un « mandataire d’assuré » qui prétendait représenter et accompagner les victimes d’accident de la circulation dans leurs démarches d’indemnisation en adressant et en négociant avec les sociétés d’assurance des offres transactionnelles rendues obligatoires par le code des assurances en contrepartie d’un honoraire de résultat prélevé sur le montant des indemnisation perçues. En cas d’échec de la phase amiable de négociation, le contrevenant proposait ses clients de transmettre leur dossier à un « avocat partenaire » qu’il rémunérait à cet effet.

Par ordonnance de référé du 30 janvier 2023, le tribunal judiciaire d’Avignon avait rejeté la demande du CNB et de l’Ordre de Marseille

Condamnation prononcée en appel pour exercice illégal du droit

Par arrêt du 7 juillet 2023, la Cour d’appel de Nîmes a infirmé cette précédente décision et constaté que le défendeur exerçait l’activité de consultation juridique et de rédaction d’actes pour autrui à titre principal et de façon rémunérée, sans remplir les conditions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.

En l’espèce, les nombreuses pièces produites au débat, en particulier les « mandats de gestion et de procuration » proposés aux clients, attestaient que le contrevenant était le seul interlocuteur des sociétés d’assurance dont il analysait les propositions d’offres d’indemnisation et qu’il conseillait ses clients sur les suites à donner. 

Selon la Cour, le contrevenant appréciait « en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et selon des facteurs multiples (taux d’incapacité, âge, situation personnelle et professionnelle, recours des tiers payeurs etc.) l’indemnisation des différents postes de préjudices qui lui apparaissait la plus juste en fonction des indemnisations habituellement accordées » et de ce fait, prodiguait donc aux victimes des conseils juridiques notamment lorsque les propositions de l’assureur ne sont pas acceptées et qu’un recours était envisagé. 

La Cour d’appel en conclut que ce « mandataire d’assuré » exerçait l’activité de consultation juridique à titre principal et de façon rémunérée, sans remplir les conditions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée

Constatant un trouble manifestement illicite causé et nonobstant l’ancienneté de son activité et une précédente relaxe prononcée en 2002, la Cour fait défense au contrevenant de se livrer à une activité de consultation juridique et de rédaction d’actes, dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l’arrêt, sous peine d’une astreinte de 1000 € par infraction dûment constatée, sur une durée maximale de 9 mois. 

Rejet du pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 7 juillet 2023

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi en cassation dirigé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes et confirme l’analyse des juges d’appel.

La Cour de cassation considère qu’aucune disposition réglementaire du code des assurances régissant la procédure d’offre obligatoire n’autorise un tiers prestataire, autre qu'un professionnel du droit ou relevant d'une profession assimilée, à exercer, à titre habituel et rémunéré, une activité d'assistance à la victime pendant la phase non contentieuse de la procédure d'offre obligatoire, si elle comporte des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l'article 54 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

La Cour d’appel a jugé à bon droit qu’en analysant les propositions des assureurs pour conseiller ses clients sur les suites à donner, en rédigeant les réponses, parfois en formulant une contre-proposition, en prenant les décisions quant à l'orientation des expertises médicales amiables, l’activité de ce mandataire d’assuré ne se limitait pas à une simple gestion administrative du dossier ou à une discussion purement technique aboutissant à un calcul automatique. 

La Cour avait donc exactement déduit de ses constatations que l’activité d’assistance exercée par ce mandataire d’assuré comportait des prestations de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé pour autrui qui lui étaient interdites par la loi et apprécié la mesure propre à faire cesser le trouble manifestement illicite constaté. 

Le contrevenant est condamné à payer au CNB et à l’Ordre des avocats au barreau de Marseille la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les mesures d’interdiction prononcées par la Cour d’appel de Nîmes contre ce mandataire d’assurés sont désormais irrévocables1.
 

Un arrêt de principe salué par la profession d’avocat dans l’intérêt des victimes de dommage corporels 

Le CNB salue cette décision de principe (publiée au bulletin de la Cour de cassation) qui rappelle que le conseil et l’accompagnement des victimes de dommages corporels dans leurs démarches d’indemnisation de leur préjudice relève de la pratique habituelle et rémunérée de la consultation juridique réservée aux avocats (Cass 1re civ, 25 janvier 1997, n° 15-26-353) qui sont tenus à une déontologie stricte, sous le contrôle du bâtonnier. 

Cette illicéité s’exerce aussi au plus grand risque des victimes, puisque ces « mandataires d’assuré » et autres experts en dommages corporels qui exercent leur activité en dehors de tout cadre légal, ne disposent pas de comptes clients et/ou séquestre pour recevoir les fonds revenant aux victimes, alors que les avocats sont tenus de déposer ces fonds sur leur compte CARPA. En outre, l’article 1er de la loi du 3 avril 1942, toujours en vigueur à ce jour, déclare nuls les pactes conclus sur le règlement des indemnités dues aux victimes d’accidents.

Textes de référence :

  • Cass civ 2 7 mai 2025, pourvoi n°23-21.455  
  • CA Nîmes, 2e chambre, section B, référé, ord. 7 juillet 2023, n° RG 23/00910
  • Tribunal Judiciaire d’Avignon, référé, ord. 30 janvier 2023 n°22/00471
  • Tribunal Judiciaire d’Avignon, 17 février 2025, n°23/02000

1 Ces mesures d’interdiction ont également été confirmées par un jugement du 17 février 2025 rendu au fond par le TJ d’Avignon, devant lequel ce mandataire d’assuré avait assigné le CNB et l’Ordre de Marseille en vue d’obtenir l’anéantissement de la décision prise par la Cour d’appel de Nîmes. Le tribunal rejette ses demandes et constatant un exercice illégal de l’activité de consultation juridique et de rédaction d’actes pour autrui, réitère les précédentes mesures prononcées contre ce mandataire d’assuré, qui est aussi condamné à régler la somme de 1500 euros au CNB et à l’Ordre de Marseille sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Un appel est en cours contre ce jugement devant la Cour d’appel de Nîmes.