Par arrêt du 7 juillet 2023, la Cour d’appel de Nîmes, statuant en référé, a condamné un « mandataire d’assuré » pour exercice illicite d’une activité de consultation juridique et de rédaction d’actes, lui faisant défense, sous astreinte, de poursuivre son activité en violation des dispositions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.
NB : Un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision
Le CNB et l’Ordre des avocats de Marseille avaient assigné en référé un « mandataire d’assuré » qui se livrait à une activité juridique en contravention avec les articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée. Le contrevenant prétendait représenter et accompagner les victimes de préjudice corporels dans leurs démarches d’indemnisation en adressant et en négociant avec les sociétés d’assurance des offres transactionnelles en contrepartie d’un honoraire de résultat prélevé sur le montant des indemnisation perçues. En cas d’échec de la phase amiable de négociation, le contrevenant proposait ses clients de transmettre leur dossier à un « avocat partenaire » qu’il rémunérait à cet effet.
Par ordonnance de référé du 30 janvier 2023, le tribunal judiciaire d’Avignon avait considéré que les demandeurs ne démontraient pas que l’activité de « mandataire d’assuré » exercée par le défendeur contrevenait manifestement aux dispositions des articles 54 et 60 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.
Le CNB et l’ordre des avocats de Marseille ont relevé appel de cette décision devant la Cour d’appel de Nîmes qui a infirmé l’ordonnance de référé dans son intégralité.
La Cour constate que le défendeur ne respecte pas les dispositions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971. En l’espèce, les nombreuses pièces produites au débat, en particulier les « mandats de gestion et de procuration » proposés aux clients, attestent que le contrevenant était le seul interlocuteur des sociétés d’assurance dont il analysait les propositions d’offres d’indemnisation et qu’il conseillait ses clients sur les suites à donner.
Pour la Cour, l’activité de ce « mandataire d’assuré » ne se limitait donc pas à une simple « gestion administrative » ou à une discussion purement technique aboutissant à un calcul automatique d’indemnités pour ses clients.
En réalité, le contrevenant appréciait « en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et selon des facteurs multiples (taux d’incapacité, âge, situation personnelle et professionnelle, recours des tiers payeurs etc.) l’indemnisation des différents postes de préjudices qui lui apparaissait la plus juste en fonction des indemnisations habituellement accordées » et de ce fait, prodiguait donc aux victimes des conseils juridiques notamment lorsque les propositions de l’assureur ne sont pas acceptées et qu’un recours était envisagé.
La Cour d’appel en conclut que ce « mandataire d’assuré » exerçait l’activité de consultation juridique à titre principal et de façon rémunérée, sans remplir les conditions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.
Constatant un trouble manifestement illicite causé et nonobstant l’ancienneté de son activité et une précédente relaxe prononcée en 2002, la Cour fait défense au contrevenant de se livrer à une activité de consultation juridique et de rédaction d’actes, dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l’arrêt, sous peine d’une astreinte de 1000 € par infraction dûment constatée, sur une durée maximale de 9 mois.
Enfin, il est également condamné à verser au CNB et à l’Ordre des Avocats de Marseille, la somme de 2000 € chacun, sur le fondement de l’article 700 CPC.
En revanche, la Cour déboute les demandeurs de leur demande de publication du dispositif de l’arrêt.
Une décision approuvée par la profession
Le CNB salue cette décision qui rappelle que l’activité d’intermédiaire en dommages corporels, exercée, à titre habituel et rémunéré, relève du domaine réservé des avocats (Cass 1re civ, 25 janvier 1997, n° 15-26-353) qui sont tenus à une déontologie stricte, sous le contrôle du bâtonnier.
Cette illicéité s’exerce aussi au plus grand risque des victimes, puisque ces « mandataires d’assuré » et autres experts en dommages corporels qui exercent leur activité en dehors de tout cadre légal, ne disposent pas de comptes clients et/ou séquestre pour recevoir les fonds revenant aux victimes, alors que les avocats sont tenus de déposer ces fonds sur leur compte CARPA. En outre, l’article 1er de la loi du 3 avril 1942, toujours en vigueur à ce jour, déclare nuls les pactes conclus sur le règlement des indemnités dues aux victimes d’accidents.
Textes de référence :
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