Comme annoncé par la ministre de la Justice le 18 septembre 2018 aux représentants de la profession, le gouvernement a déposé ses amendements sur le projet de loi Justice.
Sur la partie civile
Les plateformes numériques relatives à la résolution extrajudiciaire des différends
Le Gouvernement amende l’article 3 du PJL sur les plateformes numériques relatives à la résolution extrajudiciaire des différends :
Comme demandé par la profession et comme annoncé comme la Ministre, il est expressément indiqué que les services en ligne sont tenus au strict respect des dispositions des articles 4 et 54 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques relatives à la consultation juridique et à la rédaction d'actes sous seing privé. Il appartiendra à l’organe en charge de la certification de vérifier que la plateforme respecte le périmètre du droit. Dès lors qu’il proposerait une consultation ou une assistance juridique, le service en ligne devrait faire appel à un avocat.
Il est réaffirmé que les conciliations, médiations ou arbitrages en ligne ne peuvent exclusivement résulter d'un traitement par algorithme ou d'un traitement entièrement automatisé.
Enfin, la nouvelle rédaction tend également à éviter toute ambiguïté qui résulterait de la référence à la notion de secret professionnel : le texte supprime la référence au secret professionnel, en maintenant le principe de l’application des dispositions de l’article 226-13 du code pénal.
Les saisies immobilières
Le Gouvernement introduit un article additionnel après l’article 9 destiné à simplifier la procédure de saisie immobilière – qui reprend les propositions de la profession.
Les majeurs protégés
Cet amendement prévoit de supprimer de l’autorisation préalable du juge ou du conseil de famille lorsque le majeur protégé décide de se marier ou de se pacser. Il tend également à clarifier le rôle du juge des tutelles lorsque des décisions médicales doivent être prises en faveur de la personne protégée. En revanche, le Gouvernement n’entend pas ouvrir le divorce par consentement mutuel aux majeurs protégés au motif que « ce divorce ne comprend pas de contrôle judiciaire sauf en cas de demande d’audition d’enfant », seul le divorce accepté de l’article 233 Cciv leur serait permis.
Le divorce
Le Gouvernement amende l’article 12 du PJL sur le divorce. Comme demandé par la profession, il est désormais impossible de préciser la cause du divorce en introduction de la procédure, sauf en cas d’acceptation du principe de la rupture du mariage ou d’altération définitive du lien conjugal.
Sur la partie pénale
Le Gouvernement acte les modifications souhaitées par la profession auxquelles la Ministre de la justice avait indiqué faire droit :
- Amendement à l’article 34 du PJL (plaintes avec constitution de partie civile) : Consulter l'amendement
- Amendement à l’article 35 du PJL (possibilités de recours à la visio-conférence) : Consulter l'amendement
- Amendement à l’article 36 (mécanisme de règlement contradictoire de l’instruction) : Consulter l'amendement
Le Gouvernement introduit de nouveaux articles :
Dispositions relatives aux victimes d’actes de terrorisme
Le Gouvernement introduit des dispositions relatives au parcours procédural des victimes d’acte de terrorisme en mettant fin aux compétences concurrentes du juge civil et du juge pénal pour ce qui concerne l’indemnisation. Il donne aussi compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour connaître, en matière d’indemnisation des victimes de terrorisme, de l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à l’organisation d’une expertise judiciaire et à la réparation de leur préjudice, au fond comme en référé. Il introduit également des dispositions relatives au FGTI.
Délit d’entreprise individuelle terroriste
Cet amendement tire les conséquences de la décision n° 2017-625 QPC du 7 avril 2017 relative au délit d’entreprise individuelle terroriste. Dans sa décision du 7 avril 2017, la Conseil constitutionnel ayant jugé que la simple recherche des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ne pouvait suffire à matérialiser une intention de passage à l’acte terroriste, le Gouvernement propose d’ajouter le fait de « tenter de se procurer » une arme au titre des éléments matériels pouvant constituer un acte préparatoire.
Surveillance des personnes et des livraisons de biens ou de produits
Le Gouvernement propose de clarifier le cadre procédural applicable en matière de surveillance et de livraisons surveillées dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées.
Il propose d’une part de permettre aux enquêteurs, sur autorisation de l’autorité judiciaire, de différer l’interpellation de personnes suspectes ou la saisie des produits des trafics pour ne pas compromettre la poursuite des investigations, ainsi que la possibilité pour les enquêteurs de livrer, à la place des services postaux, les produits du crime ainsi acheminés par voie postale aux fins de démanteler les réseaux criminels.
Par ailleurs, cet amendement étend la compétence de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris à l’ensemble du territoire national pour certaines affaires de criminalité et délinquance organisées d’une très grande complexité.
Création du parquet national antiterroriste
Le Gouvernement propose de créer un parquet national antiterroriste. Dirigé par un procureur de la République antiterroriste et positionné près le tribunal de grande instance de Paris, ce parquet national antiterroriste se substituera au parquet de Paris pour le traitement des infractions terroristes, des crimes contre l’humanité, des crimes et délits de guerre, des infractions relatives à la prolifération d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs et des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation en temps de paix.
Le Gouvernement, qui avait déjà introduit cette disposition dans la première version du PJL transmis à la profession et qui l’avait retirée à la suite de l’examen du PJL par le Conseil d’Etat, indique avoir pris en compte les observations formulées par le Conseil d’Etat par l’introduction de mécanismes permettant à ce parquet de ne pas être isolé au sein de l’institution judiciaire.
Sur la partie Sens et efficacité de la peine
Le Gouvernement dépose des amendements sur la partie « Sens et efficacité de la peine » :
- Le Gouvernement propose que la peine ferme, prononcée ou restant à subir, inférieure ou égale à six mois doit pouvoir également faire l’objet d’un fractionnement, d’une suspension ou d’une libération conditionnelle, comme les peines supérieures à six mois.
- Le Gouvernement propose de permettre au juge de l’application des peines de mettre fin au suivi renforcé lorsqu’il ressort du rapport du service pénitentiaire d’insertion et de probation que celui-ci suivi n’est plus nécessaire.
- Le Gouvernement propose de permettre au juge de l’application des peines, lorsqu’il met fin de manière anticipée à la surveillance électronique en raison de la bonne conduite du condamné, de soumettre celui-ci jusqu’à la date de fin de peine aux mesures de contrôle de l’article 132-44 du code pénal ainsi qu’à certaines obligations ou interdictions spéciales prévues à l’article 132-45 du même code, telles que par exemple l’interdiction de contact avec la victime ou encore l’obligation de soins.
- Le Gouvernement propose de créer une exception à l’incarcération des prévenus en maison d’arrêt lorsque, au regard de leur personnalité ou de leur comportement, cette mesure apparaît nécessaire à la prévention des évasions et au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements pénitentiaires
Sont encore attendus les amendements sur la partie organisation territoriale.
Le Conseil national des barreaux prendra position sur ces nouvelles mesures lors de son Assemblée générales des 5 et 6 octobre 2018.