La loi n° 2024-537 relative au renforcement du financement des entreprises et l'accroissement de l'attractivité économique de la France a été promulguée le 13 juin 2024. L'assemblée générale du CNB a examiné en détail cette loi.
Dans le cadre du projet de loi « Pacte II », le gouvernement a consulté, pendant plus d'un an et demi, des acteurs du monde institutionnel, du monde de l'entreprise, du secteur associatif.
À l'issue de cette grande consultation nationale lancée sur une plateforme, le gouvernement a fait le choix de découper ce projet en trois volets :
- l'attractivité financière,
- la simplification de la vie économique,
- les activités des professions libérales réglementées.
Le présent rapport, fruit d'un travail mené par la commission Droit et entreprise, avec l'aide de la commission Texte et du groupe de travail Environnement, a pour objet l'étude des deux premiers volets, chacun avec son véhicule législatif.
Le premier volet, déposé le 12 mars 2024, a été promulgué le 13 juin 2024 à travers la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, dans le but de renforcer le financement des entreprises et d'accroitre l'attractivité économique de la France.
Présentation de la loi
Poursuivant cet objectif de favoriser la croissance des entreprises, cette loi prévoit plusieurs mesures essentielles telles que :
- Introduction en bourse et actions à droit de vote multiple : pour faciliter les introductions en bourse, la loi encourage l'utilisation des actions à droit de vote multiple, permettant aux fondateurs de conserver un contrôle accru tout en levant des capitaux ;
- Fonds commun de placement à risques (FCPR) : les FCPR peuvent désormais accompagner les entreprises jusqu'à une capitalisation boursière de 500 millions d'euros, contre 150 millions précédemment. Le délai de blocage des parts est porté à 15 ans, favorisant les investissements à long terme dans les start-ups et PME ;
- Assouplissement des règles d'éligibilité des titres des entreprises au plan d'épargne en actions destiné au financement des PME (PEA-PME) ;
- Dématérialisation des titres transférables : numérisation des titres pour faciliter la croissance internationale des entreprises ;
- Promotion des assemblées générales à distance : les consultations et réunions à distance des assemblée générales d'actionnaires et des organes de décision des sociétés commerciales sont favorisées ;
- Spécialisation de la Cour d'Appel de Paris en matière d'arbitrage commercial international ;
- Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances des mesures tendant à réformer le cadre applicable aux organismes de placement collectif, simplifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés et créer un régime de fractionnement des instruments financiers, afin de faciliter la gouvernance des entreprises ;
- Plafonnement des indemnités de licenciement des preneurs de risques ou traders : les montants sont désormais plafonnés au montant du plafond annuel de la sécurité sociale (environ 46 000 euros en 2024)
Positions du CNB sur le volet attractivité financière
Pour rappel, dans son rapport approuvé par l'assemblée générale du 17 mai dernier, le CNB a examiné la proposition de loi et souligné les points d'attention suivants :
- la possibilité pour les sociétés de s'introduire en bourse en se dotant d'actions de préférence donnant droit à plusieurs droits de vote pour une action pour une durée limitée, précisément sur le fait que le plafonnement ne joue que lorsque la société est cotée sur des systèmes multilatéraux de négociation (Alternex) et non sur des marchés réglementés (Euronext),
- la dématérialisation des assemblées générales : le CNB insiste sur le fait que l'efficacité de cette mesure dépend de l'encadrement de la nullité des actes de sociétés,
- l'autorisation du gouvernement de prendre par ordonnances des mesures visant à simplifier et à clarifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés : le CNB estime qu'eu égard à l'ampleur du domaine de l'habilitation, il apparait indispensable de clarifier les mesures ou les orientations envisagées,
- l'instauration d'une compétence spéciale de la cour d'appel de Paris en matière d'arbitrage international, à la condition, relève le CNB, que la cour dispose de moyens suffisants,
- la limitation des indemnités de licenciement de preneurs de risque dont la conformité, notamment à la constitution, pose question.
Le CNB a également proposé des mesures, telles que :
- poser en principe que la communication de la société aux associés peut se faire par tout moyen,
- généraliser l'instauration du mode de décision « acte sous seing privé constatant les décisions unanimes » dans toutes les formes sociales,
- supprimer l'obligation de tenir l'assemblée générale ordinaire annuelle dans les sociétés (AGOA) et permettre le recours à un acte juridique constatant le consentement unanime des associés pour toutes les décisions,
- supprimer dans les sociétés cotées la révocation sur incident de séance
La loi n° 2024-537 représente ainsi une opportunité de dynamiser le tissu entrepreneurial français en facilitant l'accès aux investissements, en simplifiant les démarches administratives et en offrant des incitations fiscales pour les investitsseurs nationaux et internationaux.
Il est essentiel pour les avocats de comprendre les implications de cette législation sur sa pratique et celle de ses clients afin d'être en mesure de tirer le meilleur de ces nouvelles opportunités.
Positions du CNB sur le volet simplification de la vie économique
Ce volet, qui répond prioritairement aux besoins des TPME, est un « point de départ et non un aboutissement » et sera accompagné, à l'avenir, d'autres projets de loi. Il repose sur trois principes essentiels :
- une diminution radicale de la charge engendrée par les démarches administratives (principal point ressortant des consultations), avec comme objectif affiché, à terme, la suppression des formulaires Cerfa,
- un changement de paradigme des relations entre l'administration et les entreprises : le projet de loi a pour but d'instaurer un principe de confiance entre l'administration et les entreprises et repose sur l'idée que l'administration est au service des entreprises pour leur permettre de développer leur activité et de créer des emplois,
- la rationalisation de la norme, que le projet de loi vise à amorcer dans de nombreux secteurs en limitant les contraintes inutiles, évitant les surtranspositions, ce qui nécessite un travail au long cours, notamment au moyen d'une loi annuelle de simplification. Pour l'heure, le projet de loi poursuite le but de simplifier un certain nombre de points remontés lors de la consultation.
À l'image de la loi Pacte I, cette loi rassemble un patchwork de mesures qui appelle du CNB les remarques et propositions suivantes :
- un domaine trop large et imprécis des habilitations données au gouvernement de légiférer
- rescrit généralisé :
- il convient de déterminer clairement l'opposabilité de ces rescrits et d'adapter ce mécanisme en droit social, le CNB insistant sur l'importance des droits des salariés et du dialogue social
- il est suggéré de réfléchir à un système permettant, dans le cadre d'une procédure accélérée, à un administré de saisir l'administration afin qu'elle statue, s'il existe déjà un rescrit, sur l'identité de situation entre celle de l'administré et celle qui a fait l'objet du rescrit. Dans un premier temps, il serait possible de réfléchir à l'introduction de cette mesure en matière fiscale
- information préalable des salariés : le CNB n'est pas persuadé qu'il s'agit d'une mesure de simplification
- simplification des bulletins de paie : le CNB est réservé sur cette mesure
- adaptation de certaines sanctions pénales auxquelles peuvent être soumises des dirigeants : s'agissant de la sanction du défaut de mention du bénéficiaire effectif, le CNB relève notamment que la suppression de la peine de prise et l'augmentation de plus de 30 fois le montant de l'amende encouru est un durcissement de la sanction et n'apparaît pas comme une mesure de simplification
- habilitation à réformer les contrats spéciaux par voie d'ordonnance : le CNB relève un point problématique, le fait que l'habilitation à légiférer par ordonnance sur les contrats spéciaux ne se réfère pas au projet de réforme proposée sous l'égide du Professeur Stoffel-Munck
- le CNB souligne que le régime des TPE pourrait être aligné plus généralement sur les droits des consommateurs, uniquement en matière bancaire et en droit des assurances
- la commission Droit et entreprise propose d'ouvrir la possibilité, pour les avocats honoraires, de devenir magistrat de l'ordre administratif comme cela est proposé pour les magistrats honoraires, de devenir magistrat de l'ordre administratif comme cela est proposé pour les magistrats honoraires afin d'accélérer le traitement des dossiers devant les juridictions administratives
- le CNB estime que si la souveraineté économique et la simplification de la vie des entreprises sont des enjeux majeurs, notamment de compétitivité, ces derniers doivent être conciliés avec les exigences environnementales
- le CNB propose de créer des seuils supplémentaires de tailles d'entreprises en introduisant un nouveau seuil, par exemple à 1000 salariés, pour reconnaître les spécificités des entreprises de taille intermédiaire et adapter la charge des obligations des entreprises au regard de ce nouveau seuil
- lorsque l'avocat agit en qualité de mandataire de son client, dans le cadre de procédures dématérialisées, telles notamment les télédéclarations, il doit avoir la possibilité de correspondre avec les administrations concernées et d'accomplir tous les actes utiles au nom et pour le compte de son client via un accès dédié.
Toutes les observations et propositions du CNB sont développées dans le rapport voté en assemblée générale du 17 mai 2024.