Le groupe de travail LBC-FT a présenté un rapport d'information sur le contenu et les incidences pour la profession d'avocat du « paquet anti-blanchiment » européen (JOUE 19 juin) qui contient une 6e directive anti-blanchiment et deux règlements instituant deux autorités de supervision, l'une européenne (ALBC-AMLA), l'autre nationale.
Aux termes de trois années de discussion, ont été publiés au JO de l'Union européenne du 19 juin 2024 les trois textes en date du 31 mai 2024 composant le « paquet européen anti-blanchiment » qui avait été proposé par la Commission européenne le 20 juillet 2021 :
- Un règlement (UE) 2024/1620 instituant une autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ALCB ou AMLA en anglais) à qui aura son siège à Francfort.
- Un règlement (UE) 2024/1624 (« AMLR6 ») relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme qui unifie les règles de la LBC-FT au niveau de l'UE et contient des règles directement applicables au secteur privé.
- Une 6e directive 2024/1640 sur la lutte anti-blanchiment (« AMLD6 ») remplaçant la 5e directive 2015/849/UE transposée en droit français par l'ordonnance du 20 février 2020. Cette 6e directive régit l'organisation des autorités nationales compétentes en la matière, et organise les modalités de la coopération entre les cellules de renseignement financier et les superviseurs. L'essentiel de la directive doit être transposé d'ici le 10 juillet 2027.
En premier lieu, les trois textes du 31 mai 2024 resserrent la contrainte normative sur les avocats qui comme les autres professionnels assujettis, voient leurs obligations de vigilance renforcées s'agissant des mesures de vigilance et d'identification des clients, des bénéficiaires effectifs et de la nature de la transaction. Le Règlement 2024/1624 insiste aussi sur l'articulation des obligations de vigilance LBC-FT avec celles portant sur les mesures de gel des avoirs (art. 27).
Les avocats sont toutefois exclus de l'obligation de signalement de divergences par rapport aux informations contenues dans les registres des bénéficiaires effectifs (art. 24 du Règlement 2024/1624), tout en renforçant les obligations d'identification des bénéficiaires effectifs des entités juridiques (art. 51 suiv).
Les règles relatives à la déclaration de soupçon (DS) évoluent sur certains points. La DS doit être effectuée « rapidement » par l'entité assujettie (art. 69 § 1a du Règlement 2024/1624). En droit français, le CMF (art. R. 561-32) laisse le bâtonnier un délai de 8 jours pour transmettre à TRACFIN les DS faites par les avocats et les CARPA le temps de vérifier qu'elles entrent bien dans le périmètre d'assujettissement.
La garantie du filtre du bâtonnier est reprise par l'article 70 du Règlement 2024/1624. Le considérant 142 du Règlement rappelle que cette option a été consacrée par la CEDH qui y a vu dans l'arrêt Michaud c/ France « une garantie importante de la protection des droits fondamentaux pour ce qui concerne les obligations de déclaration applicables aux avocats ».
Par ailleurs, les textes créent deux autorités de supervision : l'une européenne (AMLA), l'autre nationale qui doit être désignée au sein de chaque Etat membre et relever de son administration. Les compétences de ces différentes autorités de supervision ainsi que l'articulation de leurs missions entre elles et avec les organes d'auto-régulation des Etats membres traduisent une exigence d'efficience et d'efficacité des contrôles des membres de la profession.
Si le principe de l'auto-régulation est préservé malgré un constat sévère (cons.100, directive 2024/1640), une surveillance renforcée est mise en œuvre et les Etats membres, dans ce cadre, peuvent doter les autorités de supervision de pouvoirs supplémentaires pour atteindre les objectifs de la directive.
L'article 37 de la Directive 2024/1640 pose le principe d'une surveillance appropriée et efficace des organismes d'auto-régulation dont le contrôle sera assuré par un superviseur qui sera obligatoirement une autorité publique chargée d'assurer le suivi effectif du respect des différents règlements et obligations et qui aura pour objet de prendre les mesures nécessaires pour assurer ce respect.
La mise en œuvre des trois textes adoptés dans le cadre du Paquet européen conduira à une modification substantielle de la partie du code monétaire et financier relative au dispositif LBC-FT.
Ce travail, qui devrait débuter dès la septembre 2024, appellera une grande vigilance et une attention particulière de la part du CNB et de son groupe de travail LBC-FT afin que les mesures adoptées ne remettent pas en cause l'auto-régulation et l'indépendance de la profession et le secret professionnel de l'avocat.