Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, était auditionné, mercredi 14 juin, par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Après les échanges avec la profession lors de l'Assemblée générale du 9 juin dernier, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, est revenu sur plusieurs sujets du projet de loi Justice lors de son audition à la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Au-delà des éléments déjà présentés devant le Sénat, le garde des Sceaux est notamment intervenu sur les modifications adoptées par le Sénat sur le texte dans son ensemble.
Sur le tribunal des activités économiques
« Le texte que nous proposions était le fruit d’un savant compromis : d’une part, le maintien des baux commerciaux sauf exception, dans le giron du tribunal judiciaire et d’autre part le basculement de tous les acteurs économiques, agriculteurs, professions médicales, paramédicales, associations devant le TAE à titre expérimental. Les craintes exprimées dans le monde agricole et par le monde agricole ont amené le Sénat à modifier les équilibres envisagés. Ces modifications sont intéressantes mais elles engendrent des effets de bord et fragilisent les conditions de notre expérimentation. C’est pourquoi il faudra que l’on puisse travailler ensemble cette disposition avec le rapporteur PRADAL afin de rétablir certains équilibres et prendre en compte les inquiétudes qui se sont exprimées. »
« Nous avons beaucoup de candidatures à l’expérimentation. Nous souhaitons choisir des tribunaux de petite, moyenne et grande taille. Nous serons particulièrement attentifs à ce qu’il y ait des TAE dans les zones rurales. »
Sur la contribution financière des entreprises
« A la suite des débats au Sénat et avec le rapporteur PRADAL, je vous proposerai de travailler à exclure encore plus clairement les petites entreprises. »
Sur l’activation à distance des appareils connectés
« Si un suspect rencontre un journaliste, un avocat ou un médecin : interdiction de retranscrire mais j’indique aussi que dans les écoutes téléphoniques classiques, il arrive qu’un suspect qui est sous surveillance électronique appelle un avocat ou un médecin et on ne peut pas retranscrire. Nous prendrons un certain nombre de précautions supplémentaires s’agissant des journalistes. »
« Je veux rappeler que c’est moi qui ai rétabli le secret professionnel des avocats dans le texte précédent que j’ai porté. Je suis très sensible à cette question. Je voulais même que l’on puisse même techniquement, technologiquement couper s’il y avait une relation entre un client et son avocat. Ce n’était pas possible technologiquement. »
Sur la procédure civile
« Je veux simplifier la procédure d’appel en réformant le décret Magendie à laquelle je sais que certains d’entre vous comme la députée Naïma MOUTCHOU sont particulièrement sensibles. »
Sur la formation des avocats
« Pourquoi le master 2 ? Parce que les avocats le veulent. Les avocats me disent : on souhaite que les avocats soient meilleurs et mieux formés. Je ne peux pas être sourd à cela.»
Interventions des rapporteurs
Jean TERLIER, rapporteur général du PJL
- Sur la réforme de la procédure civile :
« Nous avons un regret, Monsieur le Ministre, la réforme de la procédure civile est un point capital des états généraux de la justice mais elle relève aussi essentiellement du domaine réglementaire. Nous n’avons donc pas d’accroche, dans ce projet de loi, afin que le Parlement puisse débattre et se prononcer. Nous aurions aimé exprimer notre soutien à cette réforme, à cette politique de l’amiable et de la procédure d’appel. »
- Sur la saisie des rémunérations :
« Cette réforme permettra d’alléger la charge de travail des greffes des tribunaux judiciaires à hauteur de 140 ETP. Les craintes exprimées sur cet article me paraissent injustifiées. D’abord le Conseil d’Etat a donné une appréciation positive sur cette réforme. Ensuite, il ne s’agit pas d’une déjudiciarisation car le juge de l’exécution demeure compétent. »
- Sur la formation des avocats :
« Le rehaussement du niveau de diplôme pour accéder à la profession d’avocat est une réforme souhaitée par le barreau »
Erwan BALANANT, rapporteur thématique sur les mesures de procédure pénale du PJL
- Sur l’activation à distance des appareils connectés :
« Concernant l’activation à distance des appareils connectés, si le projet de loi m’apparaissait apporter des garanties nécessaires, les auditions que nous avons menées me conduisent à penser que nous pouvons encore améliorer le dispositif proposé. »
- Sur l’utilisation de la visioconférence en GAV :
« Sur l’utilisation de la visioconférence pour l’examen médical en cas de prolongation de la GAV, cette disposition me parait aussi intéressante et entourée de garanties nécessaires, peut-être pourrons nous là-aussi apporter des précisions dans le texte. »
Philippe PRADAL, rapporteur thématique sur la justice économique
- Sur le tribunal des activités économiques :
« Sur les tribunaux des activités économiques, je le dis d’emblée, l’équilibre initial du texte dans sa version adoptée en Conseil des ministres était le bon, notamment sur l’introduction de magistrats professionnels au sein de formations de jugement. […] Le texte issu du Sénat parait ainsi déséquilibré puisqu’à la fois il retire la présence de magistrats professionnels et étend le périmètre de compétence du TAE. J’ai pour ma part quelques réserves sur l’élargissement du TAE aux associations qui n’ont pas d’activité économique. »
- Sur la contribution financière des entreprises :
« Sur la contribution financière économique, je m’interroge sur l’exonération des personnes morales de droit public que je trouve personnellement trop large et sur le barème de cette contribution dont les modalités devront être précisées afin de garantir un accès facilité à la justice »
Didier PARIS, rapporteur du PJLO
« Un ajout du Sénat me parait assez sidérant, c’est de considérer que si un magistrat doit être impartial, l’exercice syndical d’un magistrat doit être également impartial. […] Nous avons un certain nombre de points à récupérer comme cela et à revoir. »
Autres interventions
Naïma MOUTCHOU, députée Horizons du Val-d’Oise
« Si nous partageons l’objectif d’efficacité de l’enquête, nous resterons vigilants sur l’encadrement de techniques particulièrement intrusives comme le déclenchement à distance des appareils électroniques. Nous soutiendrons les aménagements qui ont été adoptés au Sénat et nous proposerons d’aller plus loin sur le critère de proportionnalité et sur la protection du secret de l’avocat, des journalistes et des médecins. Sur la téléconsultation, j’ai quelques réticences personnelles sur la disposition relative aux médecins et je demanderai qu’à minima nous en restions à la possibilité d’un premier examen physique. »
Ian BOUCARD, député LR du Territoire de Belfort
« Sur l’article 19 qui exige un master plutôt qu’une maitrise pour pouvoir accéder au concours d’avocat, cette mesure inquiète un certain nombre d’étudiants en droit. […] Pourquoi vouloir sanctionner les meilleurs élèves de notre pays ? Etes-vous prêt à revoir votre copie ? »