La société pluriprofessionnelle d’exercice (SPE) est une innovation majeure de la réforme « Macron ». Interrogée par plusieurs bâtonniers et conseils de l’Ordre, la commission dédié au statut professionnel de l’avocat a rendu quelques avis techniques apportant un éclairage sur ce régime spécifique.
Un régime juridique innovant mais complexe
Les avocats ont la possibilité, depuis le 8 mai 2017, de créer des sociétés pluriprofessionnelles d’exercice (SPE), ayant pour objet d’exercer deux ou plusieurs des professions d'avocat, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle et expert-comptable.
Les SPE sont une innovation majeure de la réforme opérée par la Loi « Croissance » du 6 août 2015 et ses textes d’application.
Leur régime juridique est complexe puisqu’il résulte des articles L 31-3 et suivants de la loi n°90-1258 du 31 décembre, créés par l’ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016, et des décrets d’application du 5 mai 2017 :
- Le décret n°2017-794, de portée générale, fixe les règles de constitution, de fonctionnement et de liquidation de la SPE,
- Le décret, n°2017-795 est destiné à faciliter la transformation des sociétés civiles professionnelles (SCP) en SPE ou la participation d'une SCP à la constitution d'une SPE
- Les décrets n°2017-796 à 2017-801 complète le décret général, profession par profession.
L’éclairage de la commission sur les interrogations des avocats
Cette nouvelle société d’exercice entraine inévitablement de nombreuses interrogations, qui ont amené la commission à rendre plusieurs avis techniques à la demande de bâtonniers et de conseils de l’Ordre.
Nécessité d’une autorisation du Conseil de l’ordre en cas de modification d’une Selarl en SPE
La question posée à la commission concernait la « transformation » d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) d’avocats en société pluriprofessionnelle d’exercice (SPE) exerçant les professions d’avocat et de notaire. Il s’agissant de savoir si cette modification de la société était conditionnée à l’inscription de la SPE au tableau de son ordre ou si elle devait faire l’objet d’une simple information puisque la Selarl était déjà inscrite.
Dans cette hypothèse, la commission considère que la modification de la Selarl d’avocats en SPE d’avocats et de notaires sous forme de Selarl entraîne une modification des statuts qui doit, conformément à l’article 8 du décret n°93-492 du 25 mars 1993, faire l’objet d’une décision du Conseil de l'ordre dans les conditions prévues aux articles 102 et 103 du décret du n°91-1197 du 27 novembre 1991. La déclaration de modification au Conseil de l’ordre doit être accompagnée des pièces visées par l’article 2 du décret n°2017-794 du 5 mai 2017.
Forme sociale des SPE
La commission a rappelé que, si les SPE sont spéciales par leur objet, à savoir l’exercice en commun de plusieurs professions, ces sociétés peuvent revêtir toute forme sociale, à l’exception de celles conférant à leurs associés la qualité de commerçant.
Les SPE ne constituent donc pas une « forme » nouvelle de société. Ainsi, le changement d’objet d’une Selarl d’avocats pour sa modification en SPE d’avocats et de notaires sous forme de Selarl ne constitue pas une transformation au sens du droit des sociétés. La situation est différente si la forme sociale est changée (par exemple, transformation d’une Selarl en SAS).
Mandats sociaux au sein des SPE
L’une des interrogations portait sur la nécessité -ou non- de désigner comme mandataire social d’une SPE d’avocats et d’experts-comptables constituée sous forme de SAS, l’avocat en exercice dans cette SPE.
La commission a observé que les dispositions régissant les SPE ne prévoient aucune disposition concernant les mandats sociaux au sein des SPE. Il n’est en particulier pas requis qu’une SPE exerçant la profession d’avocat désigne un avocat comme mandataire social.
Indépendance des avocats dans les SPE
Si l’ordonnance du 31 mars 2016 n’impose pas d’investir l’avocat en exercice dans la SPE d’un mandat social, il convient, suivant l’article 31-8 de la loi du 31 décembre 1990, d’introduire dans les statuts des « stipulations propres à garantir, d'une part, l'indépendance de l'exercice professionnel des associés et des salariés et, d'autre part, le respect des dispositions réglementaires encadrant l'exercice de chacune des professions qui constituent son objet social, notamment celles relatives à la déontologie ».
L’indépendance de l’avocat doit donc impérativement être préservée dans une SPE.
Le principe d’indépendance ne nécessite pas nécessairement une participation minimum de l’avocat dans le capital social de la SPE (ou d’être investi d’un mandat social), qui dépend surtout de critères économiques et ressort de la liberté des parties. Toutefois, des dispositions statutaires ou extra-statutaires permettant de préserver l’indépendance de l’avocat doivent être adoptées.
Le Conseil de l’ordre, lorsqu’il statue sur la demande d’inscription de la SPE, doit apprécier la conformité des stipulations statutaires avec les principes déontologiques de la profession et notamment avec le principe d’indépendance.
Acquisition d’un office notarial par une SPE
L’acquisition d’un office notarial par une SPE exerçant les professions d’avocat et de notaire n’a pas à être soumise à l’autorisation du Conseil de l’ordre. Suivant l’article 3 du décret n°2017-794 du 5 mai 2017, chaque autorité professionnelle compétente exerce son contrôle sur les conditions d’exercice relevant de la profession au titre de laquelle elle intervient, ce qui conduit à attribuer compétence exclusive à la chambre des notaires pour connaître de cette question.
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