Madame la Bâtonnière de Paris, chère Julie,
Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers, cher Bruno,
Madame la Vice-présidente élue, chère Marie-Aimée,
Monsieur le Vice-président élu, cher Laurent,
Monsieur le Secrétaire, cher Florian,
Monsieur le Trésorier, cher Olivier,
Mesdames et Messieurs les membres du bureau, chers Alexandra, Rusen, Nathalie et Gilles,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Présidentes de commission,
Mesdames et Messieurs les membres élus du Conseil national des barreaux,
Nous y voilà.
Cela fait des semaines que nous parlons de cette fin de mandature et nous y sommes.
Il s’agit de notre dernière assemblée générale et ce serait vous mentir de dire que je ne ressens pas une certaine émotion.
Et une fierté.
Je l’ai souvent répété – je le sais – mais je ne dirai jamais assez quels ont été mon bonheur et ma fierté de présider l’institution nationale représentative des 74 000 avocats de France à vos côtés.
Fierté de voir chacun d’entre vous vous investir, travailler à faire progresser le Conseil national des barreaux, dans l’intérêt de la justice, dans l’intérêt des justiciables, dans l’intérêt de nos confrères.
Lorsque je me présentais à vous le 19 décembre 2020 en qualité de candidat à la présidence du CNB, je vous faisais part de mes intuitions et de ma vision de ce que pourrait être notre mandature :
« Les avocats d’abord, le droit pour tous ».
« N’ayons pas peur d’être corporatistes, puisque notre mission est d’intérêt général.
N’ayons pas de scrupules à défendre le secret professionnel, puisque c’est celui de nos clients.
N’ayons pas honte de défendre notre déontologie, puisqu’elle est la garantie des justiciables ».
C’est, je crois, une des grandes forces de notre institution, de notre profession : nos mobilisations pour la défense de notre profession, profitent à toute la société.
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Je ne vais pas faire ce matin un historique de notre mandature.
Nous avons tous en tête les victoires obtenues et les échecs aussi, les rapports votés et ceux qui n’ont pas abouti, les mobilisations réussies et les autres...
Et vous recevrez prochainement le rapport annuel et le rapport de mandature pour retracer tout cela.
Cette mandature a été celle de la continuité pour consolider notre unité.
Et celle de l’influence pour trouver une méthode efficace d’action et de concertation avec tous les pouvoirs publics.
Une Continuité dans l’unité.
Je dois ici saluer le travail de ma prédécesseure, la présidente Christiane Féral-Schuhl qui a réuni et renforcé cette institution pour en faire la seule et véritable porte-parole de la profession d’avocat.
De 2018 à 2020, les avocats se sont unis – notamment pour s’opposer au gouvernement – je pense ici aux mobilisations contre la réforme des retraites mais pas uniquement – et nous avons ainsi pu montrer aux pouvoirs publics la force que nous représentions.
Ces solides fondations ont abouti à la consécration du CNB comme une institution mature qui a largement gagné en visibilité auprès de la société civile, faisant de l’avocat un acteur clé qui pèse dans les débats publics.
Je voudrais également rendre hommage et remercier Hélène Fontaine et Olivier Cousi puis Julie Couturier et Bruno Blanquer.
Toutes et tous ont été les artisans de cette unité puis de la continuité et du renforcement de celle-ci.
Nous avons augmenté notre savoir-faire et notre faire savoir.
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Fort de cette unité et du changement de rapport de force, cette mandature 2020-2023 a pu travailler à un nouveau dialogue, une nouvelle méthode avec les pouvoirs publics et nous avons indéniablement gagné en influence.
Cette influence, si elle est difficilement quantifiable, se vérifie dans le bilan qui s’impose à nous.
Une influence qui a permis à la profession de solder ses comptes sur bon nombres de dossiers avec les pouvoirs publics.
En effet chers amis, grâce à vous, nous avons “vidé beaucoup de tiroirs” et nous avons obtenu des arbitrages sur un très grand nombre de sujets qui, parfois, attendaient depuis des décennies.
- Costume d’audience,
- Discipline,
- Secret professionnel,
- Legal privilège,
- Force exécutoire de l’acte d’avocat en matière de médiation,
- Vote électronique et la reprise en main pour l’organisation du scrutin pour les élections du CNB,
- Visite des bâtonniers dans les lieux de privation de liberté
- Titre exécutoire pour les cotisations du CNB,
- Financement par l’AJ de la présence de l’avocat auprès de l’enfance dans le cadre de la procédure d’assistance éducative,
- Publication par décret du Code de déontologie de la profession,
- Décrets Magendie,
- Et la semaine dernière, le décret formation !
Sur les décrets Magendie : le combat ne s’arrête pas là !
Si nous actons des avancées qui sont proposées, celles-ci ne sont toujours pas satisfaisantes.
Donc, nous prenons ce qui vient, mais le combat pour l’amélioration du texte continue !
Les sujets principaux sont soldés, mal ou bien, à chacun d’évaluer ce bilan.
Ce n’est pas à moi de le faire, je suis mal placé pour le faire.
Mais nous sommes bien obligés de reconnaître que nous avons forcé les pouvoirs publics à se positionner par rapport à la profession.
J’ai apporté ces dossiers sur le bureau de la place Vendôme et demandé au Ministre de les ouvrir et de se positionner.
Nous en avons parlé. Il a arbitré. Et les parlementaires ont voté.
Encore une fois, tous ces résultats ne sont pas toujours satisfaisants.
Ils peuvent être positifs ou négatifs, peut-être…
Mais nous constatons que nous avons traité un grand nombre de dossiers qui attendaient sur le bureau du ministre ou dans ses services.
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Oui, cette mandature a “soldé” des sujets qui remontaient parfois au rapport Darrois.
Il reste désormais à la profession, à cette institution, aux confrères qui viennent d’être élus ou réélus, d’écrire l’avenir, de formuler leurs demandes, leurs besoins, pour la génération future. D’inventer demain.
Christiane Féral-Schuhl s’était attelée à l’unité.
Nous avons œuvré pour l’influence.
La prochaine mandature sera à coup sûr celle de l’innovation.
Nous sommes unis donc forts, nous sommes influents donc écoutés. A nous - à vous ! - de savoir désormais de quoi nous voulons saisir les pouvoirs publics pour notre avenir.
Comment faire de l’intelligence artificielle un outil au service de l’attractivité de la profession ?
Comment appréhender les nouvelles modalités du rapport des jeunes au travail ?
Que veut faire la profession de son secret professionnel et peut-être se demander ce qu’elle veut faire de sa propre gouvernance ?
Notre profession a résisté aux embûches des dernières années.
Résisté et même progressé.
Elle connaît des difficultés certes, va devoir affronter des enjeux, des défis, comme toutes les professions.
Mais si on la compare à d’autres, c’est une profession dynamique, attractive, écoutée, une profession qui se développe.
Chaque mois, de nouveaux outils sont lancés pour l’aider à affronter les défis de notre société.
Je pense au formulaire de signalement de faits de violences sexuelles ou sexistes, de harcèlement et/ou de discriminations, ainsi que la mise en place de procédures gouvernant l’alerte interne et externe développés par le groupe de travail Harcèlement et Discrimination.
Sur tous les sujets, la profession d’avocat n’est pas épargnée par les problématiques rencontrées plus largement par notre société.
Mais elle ne reste pas immobile et prend ces questions à bras le corps pour faire en sorte qu’elle s’améliore et qu’elle réponde aux aspirations de jeunes confrères qui nous suivront.
Notre profession est en mouvement et nous devons tout faire pour que celle-ci soit la plus respectueuse possible et ne laisse personne sur le côté.
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Comme je le disais en débutant mes propos, je suis fier du mandat accompli à vos côtés.
Nous laissons une institution mature et autonome.
La situation financière était particulièrement inquiétante en 2018 au début de la précédente mandature.
Mais la gestion rigoureuse déployée tout au long de ces six années, centrée sur les missions et valeurs de l’institution, nous permettent, comme nous nous y étions engagés, de laisser à la prochaine assemblée générale une trésorerie saine, positive, consolidée.
Je souhaite souligner le travail rigoureux de notre trésorier – épaulé des équipes du CNB – et remercier Olivier Fontibus d’avoir si bien endossé ce rôle complexe au sein de notre institution.
Maintenant que les moyens financiers sont stabilisés, que la reconnaissance du CNB n’est plus à douter, peut-être est-il le temps de réfléchir à la manière dont nous travaillons ?
Je vous livre ici des réflexions qui m’ont occupé tout au long de ces trois années.
Certainement l’institution est-elle mûre pour les approfondir.
Comment par exemple transposer la réussite que nous rencontrons en matière d’influence en France au niveau européen ?
Ni la profession ni l’Europe ne fonctionnent comme elles fonctionnaient il y a 40 ans.
Est-ce que la délégation des barreaux de France doit fonctionner comme lors de sa création ?
Au CNB, devons-nous continuer à travailler avec autant de commissions ?
Rien ne presse d’autant que nous avons bien avancé sur le fonctionnement de notre institution par l’adoption de la réforme de son règlement intérieur.
Mais sans doute, devons-nous poursuivre le remarquable travail de réflexion et de proposition mené sous la responsabilité de Florian Borg.
Comment la profession parvient-elle à mutualiser ses moyens pour se doter d’outils numériques communs et efficients par la création d’une grande legaltech au service de nos confrères ?
J’ai souligné de nombreuses réussites, mais nous sommes bien obligés de constater qu’il nous reste des marges de progression.
Nous avons du mal à nous doter d’outils numériques pleinement efficaces.
Peut-être nous sommes-nous dispersés soit dans nos projets, soit dans notre gouvernance ?
Et dès que l’unité manque, l’efficacité fait défaut.
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Il nous faudra également nous poser la question de notre stratégie pour faire valoir nos valeurs dans le débat public.
Je l’ai dit, nous avons désormais une place au sein du débat public, nous devons en faire bon usage.
On ne peut plus aujourd’hui, en parlant des droits de l’homme, faire comme le faisait le Général De Gaulle avec l’Europe.
Rappelez-vous, en 1965, le général disait alors « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : l’Europe, l’Europe, l’Europe. Mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien ».
Il en va de même pour les droits de l’homme. Aujourd’hui, nos motions – hélas – restent lettre morte dans une société qui est manifestement tentée de tourner le dos à l’Etat de droit.
Nos concitoyens demandent plus de sécurité, quitte à abandonner, contraints ou consentants, tout ou partie de leurs libertés.
Comment arrivons-nous à parler à cette société autrement qu’avec nos motions et résolutions ?
Autrement qu’en ne parlant qu’à ceux - de plus en plus minoritaires et isolés - qui seraient toujours d’accord avec nous ?
Autrement qu’en répétant des phrases – que je répète moi aussi – mais qui paraissent tellement creuses pour la plupart de nos concitoyens ?
Il ne s’agit pas de revenir sur nos valeurs, bien au contraire, mais peut-être penser à changer de support, d’échelle et d’alliance.
Sinon, comment convaincre ?
C’est le sens de ce que j’ai voulu notamment mettre en œuvre en invitant le Directeur général de la police nationale, en rencontrant les syndicats de policiers, en nouant un partenariat avec l’école de formation des officiers de police.
Ce que nous avons mis en œuvre en renforçant notre partenariat avec l’ENM grâce à l’énergie et à l’oreille attentive de Nathalie Roret.
Quand nous regardons la société et les débats politiques, nous pouvons légitimement être inquiets.
Nous sommes des démocrates et des gens de droit.
Nous sommes pour la nuance et la modération. Mais nous vivons dans un monde de clivages et de violence.
Si nous voulons porter l’Etat de droit, il faut nous en donner les moyens.
Ne pas nous recroqueviller au 180 boulevard Haussmann.
Nous lever de ces fauteuils et aller convaincre nos concitoyens.
Tous nos concitoyens !
Comme nous l’avons fait avec le projet Injustices.
Comme nous le faisons dans les collèges avec la journée du droit.
Comme nous le faisons vis à vis du grand public avec nos campagnes de communication.
Comme nous l’avons fait avec l’appel de Vienne jusqu’au Vatican.
La capacité du CNB à continuer à s’imposer dans le débat public dépend aussi de sa capacité à s’ouvrir, à aller vers.
Aller vers l’autre, vers l’opposé, pour faire ce que la profession fait de mieux : débattre, convaincre, argumenter.
Soyons en capacité de nous mettre à la place des autres pour comprendre les points de vue, les compréhensions, les critiques.
Soyons fiers de ce que nous sommes sans jamais nous prendre pour ce que nous ne sommes pas : le CNB n’est pas une ONG. Nous ne sommes pas un parti politique, ni le parlement, ni le gouvernement.
Nous ne sommes ni l’ONU ni le Quai d’Orsay.
Restons à notre place mais prenons-là toute, cette place !
Nous sommes une force qui agit, et qu’il nous appartient de mettre en mouvement et en liens : la force sociale des gens de droit, des démocrates, des tolérants.
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Vous le voyez, il me reste de ces trois années plus de doutes et de questions que de réponses toutes faites.
Je continue par exemple à me demander ce que veulent les jeunes confrères qui intègrent notre profession.
C’est je crois, une question que j’emporterai avec moi.
Que veulent-ils de notre profession et que ne veulent-ils pas ou plus ?
Que comprennent-ils de nos actions ?
Être avocat, est-ce un statut, une fonction, une mission, un métier ?
Cette question reste entière et je la laisse sur mon bureau pour mon successeur.
Mais elle est à traiter de toute urgence, me semble-t-il.
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Je ne peux terminer mes propos sans vous rendre hommages chers amis.
Rappelez-vous à quel point cette mandature a péniblement débuté, dans le confinement, sans pouvoir mettre un seul pied dans cette belle maison avant 6 mois, sans se rencontrer et partager des moments conviviaux qui nous sont chers.
Et regardez aujourd’hui le travail accompli, ce que chacun a donné de soi, de son temps privé, parfois malheureusement de sa santé mais aussi de son activité professionnelle.
Je ne pourrai vous remercier avec le même talent qu’Arnaud Gris hier.
Mais j’insiste en vous répétant que je suis fier de chacun d’entre nous.
Un grand merci aux présidents de commissions qui ont su mener leurs travaux tout au long de ces trois années et jusqu’au dernier moment.
Merci aux deux vice-présidents élus, Marie-Aimée Peyron et Laurent Martinet.
Merci à Olivier, notre trésorier, je l’ai déjà dit.
Et merci à Florian qui, en sa qualité de secrétaire, a su accomplir avec justesse un rôle parfois ingrat.
Merci à l’ensemble du bureau pour ces trois années passées ensemble – (presque) toujours dans une très bonne ambiance.
Merci aux équipes du CNB qui ont su nous accompagner avec le professionnalisme qui est le leur.
Il est rassurant de voir cette maison continuer son ascension sans connaître de crises institutionnelles.
Cette maison, dont on pouvait dire parfois qu’elle était toujours en proie aux crises, est une maison de débats et de résultats.
Une maison en travail pour nos confrères.
“Notre vie vaut ce qu’elle nous a coûté d’efforts”, écrivait François Mauriac.
Je ressens aujourd’hui avec intensité ce supplément de vie.
Une vie enrichie de ces trois années de travail et d’efforts partagées tous ensemble au service des 74 000 avocats de France.
Je vous remercie.