22 mai 2024

Le CNB se positionne sur le projet de loi pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture

Environnement

Prenant connaissance du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, l'assemblée générale a adopté les propositions d’amendements contenues dans la résolution présentée par le groupe de travail Environnement portant notamment sur des dispositions susceptibles de porter atteinte à l’accès au juge et au droit au recours des justiciables.

Le projet de loi s'articule autour de deux objectifs principaux :

  • Assurer le renouvellement des populations alors que d'ici 10 ans, plus du tiers des agriculteurs doit partir à la retraite
  • Assurer la transition du système agricole afin qu'il s'adapte et réponde aux enjeux climatiques et de transition écologique.

Après analyse du projet de loi et consultation des avis rendus sur ce texte par le Conseil d'Etat et la Défenseure des droits, le Conseil national des barreaux a identifié deux dispositions au sein du titre IV intitulé « sécuriser, simplifier et libérer l'exercice des activités agricoles » susceptibles de porter atteinte à l'accès au juge et au droit au recours des justiciables.

L'article 13 du projet de loi habilite ainsi le gouvernement à prendre une ordonnance pour revoir les dispositifs de répression de nombreuses infractions et à remplacer les sanctions pénales par des sanctions administratives.

Cet article, au champ particulièrement large, contreviendrait à la directive européenne du 19 novembre 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal en ce qu'elle habilite le gouvernement à substituer à des sanctions pénales des sanctions administratives dans des domaines couverts par la directive, au détriment de l'obligation faite aux Etats membres de prévoir dans leur législation nationale des sanctions pénales.

Cette disposition priverait en outre les agriculteurs mis en cause des garanties de la procédure pénale et les associations en charge de la protection de l'environnement de la possibilité de se porter partie civile et ainsi demander réparation du préjudice porté aux intérêts qu'elles défendent.

L'article 15 du projet de loi prévoit quant à lui de réformer le contentieux concernant des projets agricoles qui nécessitent des ouvrages de stockage d'eau ou des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines poursuivant une finalité agricole ainsi qu'à certaines installations d'élevage.

Un référé suspension ne pourra être introduit que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. Le caractère d'urgence en cas de saisine du juge du référé suspension sera également présumé, et le délai du juge des référés pour statuer sera limité à un mois.

Le juge administratif sera tenu de limiter la portée de l'annulation qu'il prononce à la phase de l'instruction de l'autorisation ou la partie de cette autorisation entachée d'un vice et d'ordonner la régularisation des décisions qui ne sont entachées que de vices régularisables. Il devra sursoir à statuer avec un délai pour effectuer la régularisation ou à défaut, motiver ce refus.

Ces dispositions semblent contre productives en ce qu'elles conduiront d'une part le requérant à rechercher la cristallisation des moyens en invoquant tous ceux possibles au début de la procédure, ce qui alourdirait considérablement le contentieux, et d'autre part à demander systématiquement un référé suspension pour ne pas prendre le risque de ne plus pouvoir le faire après la cristallisation des moyens, entraînant ainsi une forte augmentation du nombre de référé et la charge de travail des tribunaux.

En cela, les dispositions de l'article 15 du projet de loi portent une atteinte non justifiée au droit au recours des justiciables, en contravention des dispositions de la Convention d'Arhus du 25 juin 1990 qui prévoit la possibilité pour chacun d'agir en justice pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement.

En conséquence, le Conseil national des barreaux demande la suppression des articles 13 et 15 du projet de loi et propose, afin d'accélérer effectivement le contentieux, de porter un amendement consistant à l'ajout de 3 articles au code de l'environnement prévoyant la création d'un référé suspension spécifique en matière de contentieux administratifs des autorisations environnementales, pour lequel la condition d'urgence serait supprimée.