15 mars 2022

Annulation par la Cour administrative d’appel de Bordeaux d’un marché d’assistance à maitrise d’ouvrage conclu en violation du Titre II de la loi du 31 décembre 1971

Exercice du droit

Par un arrêt du 28 février 2022, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, a annulé un marché d’assistance à maitrise d’ouvrage et d’accompagnement juridique pour la construction et la gestion d’un crématorium signé par une commune avec une société de conseil en violation du Titre II de la loi du 31 décembre 1971. Le CNB était intervenu en appel à l’appui du recours en contestation de la validité du contrat introduit par un avocat, à la suite du rejet de son offre.

Le CNB était intervenu volontairement devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux à l’appui de la requête en annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juin 2017 qui avait refusé d’invalider le marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage et accompagnement juridique dans le cadre d’une délégation de service public pour la construction et la gestion d’un crématorium » conclu par une commune avec une société de conseil locale. Ce marché consistait essentiellement en la délivrance de prestations juridiques à titre principal au sens des articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée.

Le tribunal administratif avait considéré que cette société était autorisée à exercer le droit à titre habituel, au motif que sa gérante était titulaire d’une maîtrise en droit et d’un DEA de droit privé général. Or, cette société qui ne relève pas d’une profession réglementée, ne figure pas au nombre des professionnels autorisés par la loi du 31 décembre 1971 à exercer le droit à titre principal, ni à titre accessoire.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans son arrêt du 28 novembre 2019, a admis l’intervention volontaire du CNB, mais a rejeté les demandes de l’avocat, tant en ce qui concerne sa demande initiale de résiliation du contrat, que sa demande ultérieure d’annulation du contrat.

Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 9 juin 2021 a annulé les dispositions de l’arrêt d’appel et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui était appelée à statuer sur la demande d’annulation du marché. L’Ordre des avocats de Bordeaux est également intervenu volontairement à la procédure devant la Cour de renvoi.

Par un arrêt du 28 février 2022, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le marché litigieux et le jugement du tribunal. L’intervention du barreau de Bordeaux est déclarée recevable.

Cette décision est exemplaire par sa motivation.

Après avoir procédé à une analyse précise du marché litigieux, la Cour en conclut que « le marché litigieux d’assistance à maitrise d’ouvrage consiste en une prestation intellectuelle personnalisée destinée à aider la collectivité à prendre une décision dans le cadre du droit applicable à une délégation de service public et du droit funéraire pour lequel l'attributaire a revendiqué posséder une spécialisation », de sorte que l'objet du marché constitue bien une activité de consultation juridique soumise aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.

La Cour s’attache ensuite à vérifier que le marché a été attribué dans le respect des conditions prévues par les articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 régissant l’exercice du droit à titre accessoire des professionnels non réglementés.

Cette société ne bénéficie pas de la qualification professionnelle exigée par l’article 60 de la loi de 1971. De plus, les prestations juridiques du marché ne relèvent pas directement de l'activité technique exercée par la société dans le secteur des sondages et des études de marché. De ce fait, elle ne constitue donc pas l'accessoire nécessaire de cette dernière activité au sens des dispositions des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.

La Cour rappelle également que la personne qui ne remplit pas elle-même les conditions légales pour délivrer une consultation juridique ne peut la faire délivrer par « personne interposée » conformément à l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 qui prohibe l’exercice illégal de la consultation juridique, par personne interposée, peu important la qualité de la personne.

Selon les mentions de l’acte d’engagement, la commune avait contracté exclusivement avec cette société et sa gérante qui ne pouvait donc faire réaliser la mission par un employé du cabinet, lequel au demeurant ne remplissait pas lui-même les qualifications juridiques minimales exigées par la loi du 31 décembre 1971, et au surplus, ne possédait aucun diplôme en droit.

Quant au sort à réserver au marché, la Cour administrative d’appel de Bordeaux estime que le vice tiré de la violation directe de la loi par l’attribution du marché à un prestataire non qualifié justifie le prononcé de l’annulation du marché compte tenu de sa gravité particulière.

Elle rappelle aussi qu’« il appartient au pouvoir adjudicateur, dans le cadre de la procédure de passation d'un marché public portant sur des activités dont l'exercice est réglementé, de s'assurer que les soumissionnaires remplissent les conditions requises pour les exercer. Tel est le cas des consultations juridiques qui ne peuvent être effectuées à titre habituel que par les professionnels mentionnés par 1' article 54 de la loi du 31 décembre 1971 ».

Pour aller plus loin :
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3e chambre, 28 février 2022, n°21BX02445.

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