L’Observatoire International des Avocats en danger (OIAD) s’alarme de l’intensification de la répression menée par les autorités turques à l’encontre des avocats.
Au cours de la semaine du 20 mars 2017, le Ministère Public turc a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de plus de 80 avocats intervenant en défense de leurs clients accusés d’appartenir au mouvement Güleniste, lui-même désigné comme l’instigateur de la tentative de coup d’Etat de juillet 2016.
Parmi les 80 avocats visés par ces mandats d’arrêt, 38 ont d’ores et déjà été arrêtés et placés en détention au cours des jours suivants à travers toute la Turquie. D’après les informations dont dispose l’OIAD, ce sont donc 362 avocats qui sont à ce jour en détention en Turquie et 967 qui font l’objet de poursuites judiciaires. Parmi eux, on dénombre notamment les Présidents et anciens Présidents d’une dizaine de Barreaux de Turquie.
Depuis l’échec du coup d’Etat du 15 juillet 2016, le Gouvernement turc mène une purge sans précédent au sein de l’appareil d’Etat mais aussi au sein du système universitaire et judiciaire et contre les journalistes. Plus de 41 000 personnes ont ainsi été arrêtées au cours de ces 6 derniers mois et ce sont près de 135 000 personnes qui ont été suspendues ou démises de leur fonction.
Au-delà de ces arrestations arbitraires et de la torture pratiquée en détention selon de nombreux témoignages, et au-delà de ces poursuites menées sur le seul fondement de l’assimilation de l’avocat à la cause de son client - le pouvoir turc s’efforce par ailleurs d’affaiblir durablement l’indépendance de la profession par des mesures législatives inquiétantes.
Par un décret exécutif adopté le 22 novembre 2016, le Gouvernement a ordonné la fermeture de 370 organisations de la société civile turque, sous prétexte de leurs liens présumés avec des organisations terroristes. Parmi elles, de nombreuses organisations majeures d’avocats, œuvrant notamment dans le domaine des droits de l’Homme.
Selon un autre décret publié le samedi 29 octobre 2016, les conversations échangées entre un avocat et son client accusé de « terrorisme » sont désormais enregistrées, la présence d’un gardien obligatoire lors de leurs entretiens, et les documents écrits échangés entre eux visés par les autorités. Et, si le juge l’estime nécessaire, les visites de l’avocat pourront être supprimées pendant six mois.
L’OIAD dénonce avec force cette répression massive qui touche les avocats mais aussi les magistrats, les journalistes, les universitaires et plus largement les fonctionnaires turcs. Dans cette perspective, il a saisi les autorités diplomatiques des pays d’origine de ses membres ainsi que les autorités européennes et internationales compétentes pour les appeler à faire preuve de fermeté face à cette dérive intolérable du pouvoir turc.
Il appelle les autorités turques à respecter la Convention européenne des droits de l’Homme dont l’Etat turc est partie ainsi que les Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés par les Nations-Unis à la Havane en 1990 et notamment les articles 16 à 18 qui prévoient que :
- Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats a) puissent s'acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue; b) puissent voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l'étranger; et c) ne fassent pas l'objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie.
- Lorsque la sécurité des avocats est menacée dans l'exercice de leurs fonctions, ils doivent être protégés comme il convient par les autorités.
- Les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l'exercice de leurs fonctions.
L’OIAD appelle la communauté juridique internationale à demeurer mobilisée et à rappeler sans relâche aux autorités turques ses responsabilités et son devoir de préserver l’Etat de droit et les droits fondamentaux des personnes, y compris lorsqu’elles sont accusées d’actes de terrorisme.