01 mars 2023

Droit des mineurs : ce qui change pour la profession

Libertés et droits de l'homme

Par une décision du 10 février 2023, le Conseil constitutionnel a apporté des précisions concernant la détention provisoire des mineurs et a partiellement censuré le dispositif de prise d’empreintes sous contrainte. Décryptage de cette décision et ses implications pour les avocats.

Détention provisoire des mineurs : prise en compte obligatoire de la situation personnelle du mineur et de la gravité des faits

Dans sa décision du 10 février 2023, le Conseil constitutionnel a tout d’abord apporté une réserve d’interprétation sur l’article 397-2-1 du code de procédure pénale.

Cet article impose le renvoi du dossier au procureur lorsque le tribunal correctionnel constate que le prévenu qui lui est présenté est mineur. Dans ce cadre, l’alinéa 2 du même article permet le placement ou maintien en détention provisoire du mineur jusqu’à sa comparution devant la juridiction pour mineur compétente. La comparution devant le juge compétent doit avoir lieu dans un délai de vingt-quatre heures, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d'office.

Les requérants reprochaient à ces dispositions de ne pas respecter le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, notamment, la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées. Si le Conseil constitutionnel n’a pas censuré l’article 397-2-1 du code de procédure pénale, il a toutefois émis une réserve d’interprétation :

« Afin d’assurer le respect des exigences constitutionnelles précitées, il lui appartient de vérifier que, au regard des circonstances, de la situation personnelle du mineur et de la gravité des infractions qui lui sont reprochées, son placement ou maintien en détention provisoire n’excède pas la rigueur nécessaire. » (Cons.Const, 10 fév. 2023, n° 2022-1034 QPC, §12).

Cette décision vient ainsi rappeler que le juge correctionnel doit prendre en compte :

  1. la situation personnelle du mineur
  2. la gravité des infractions reprochées.

Ces deux éléments doivent être mis en corrélation avec la nécessité de la détention de provisoire. Il revient aux avocats d’enfants de s’en assurer et de préparer ces éléments lorsqu’ils plaident l’incompétence de la juridiction correctionnelle en raison de la minorité du prévenu.

S’agissant de la condition tenant à la situation personnelle, il peut s’agir d’une formation professionnelle, de la scolarité, de la situation médicale, ou tout autre élément personnel permettant d’apprécier la nécessité d’une privation de liberté.

S’agissant de l’argument tenant à la gravité de l’infraction, il peut être rappelé que le Code de justice pénale des mineurs, bien que non applicable ici, prévoit qu’un mineur de moins de 13 à 16 ans ne peut être placé en détention provisoire que pour des faits de nature criminelle ou en cas de violation caractérisée de l’obligation de respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé prononcée dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Pour les mineurs de 16 à 18 ans, la détention provisoire en matière correctionnelle n’est possible que si le délit est puni d’au moins 3 ans d’emprisonnement.

La prise d’empreintes sous contrainte inconstitutionnelle hors la présence de l’avocat et en audition libre

L'article 55-1 du code de procédure pénale permet aux officiers de police judiciaire de procéder ou faire procéder, dans le cadre d'une enquête de flagrance, aux opérations de prise d'empreintes digitales ou palmaires ou de photographies nécessaires à l'alimentation et à la consultation des fichiers de police. Les articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs prévoient les conditions dans lesquelles ces opérations sont effectuées à l'égard des mineurs.

La prise d’empreintes ou de photographie peut être effectuée sans le consentement du mis en cause si elle constitue l'unique moyen d'identifier une personne entendue en garde à vue ou en audition libre pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement. Procéduralement, une autorisation écrite du procureur de la République saisi d'une demande motivée par l'officier de police judiciaire est nécessaire. L’opération fait l'objet d'un procès-verbal. Le code de justice pénale des mineurs prévoit que lorsqu'il s'agit d'une personne mineure, l'officier ou l'agent de police judiciaire doit préalablement s'efforcer d'obtenir son consentement et l'informer, en présence de son avocat, des peines encourues en cas de refus de se soumettre à ces opérations et de la possibilité d'y procéder sans son consentement.

Le Conseil constitutionnel censure partiellement ces dispositions en ce qu’elles méconnaissent la liberté individuelle et les droits de la défense :

  • Les opérations de prise d'empreintes digitales ou palmaires ou de photographies sans le consentement de la personne, qu'elle soit mineure ou majeure ne sauraient être effectuées hors la présence de son avocat, des représentants légaux ou de l'adulte approprié ;
  • Le recours à la contrainte des personnes entendues dans le cadre d’une audition libre est contraire à la constitution.

Ainsi, il s’en déduit que la prise d’empreintes ou de photographie contrainte n’est possible que dans le cadre d’une garde-à-vue et en présence de l’avocat, ou des représentants légaux ou de l'adulte approprié pour les mineurs. Lorsque les conditions del’article 55-1 du code de procédure pénale n’apparaissent pas réunies ou que l’usage de la force semble disproportionné, l’avocat doit pouvoir l’indiquer dans ses observations sur le fondement de l’article 63-1 du même code.

La déclaration d’inconstitutionnalité étant immédiatement applicable, les prises d’empreintes ou de photographie sous contrainte en audition libre ou hors la présence de l’avocat sont entachées de nullité. Pour les opérations de contrainte antérieures à la décision du 10 février 2023, elles ne peuvent être annulées sur ce fondement. Toutefois, les dispositions constitutionnelles invoquées existant également au sein de la Convention européenne des droits de l’Homme, rien n’interdit d’invoquer sa violation pour espérer obtenir la nullité.

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