15 février 2018

Exercice du droit : Nouveaux succès du CNB contre les braconniers du droit

Exercice du droit

Depuis plusieurs années, le CNB obtient à l’encontre des « illégaux du droit » des décisions majeures qui contribuent à l’émergence d’une jurisprudence protectrice des intérêts des usagers de droit et permettent aux avocats de récupérer des pans entiers d’activités, notamment dans le secteur de l’optimisation de coûts sociaux et fiscaux. L'institution souhaite ainsi partager avec l’ensemble des avocats les dernières décisions favorables rendues en la matière.

Palais de Justice de ParisPalais de justice de Paris - Benh LIEU SONG

Annulation de deux
conventions d’audit de coûts sociaux

Par un arrêt en date du 16 janvier 2018, la cour d’appel de Versailles a fait droit à la demande du CNB tendant à l’annulation d’une convention dite de « conseil et d’économie de charges » ayant pour objet la recherche de restitutions et/ou d’économies dans le domaine des charges sociales et pour les crédits d’impôt portant sur des postes sociaux, en contrepartie d’une rémunération proportionnelle aux dégrèvement obtenus.

Débouté en première instance par le tribunal de commerce de Nanterre malgré une jurisprudence bien établie, le CNB avait poursuivi la procédure en appel en raison aussi de l’intervention volontaire du Syndicat des conseils en opérateurs de coûts sociaux (SYNCOST) qui remettait en cause l’euro-comptabilité des articles 54 et suivants de la loi de 1971.

La cour d’appel de Versailles valide l’analyse du CNB selon laquelle les missions confiées à la société de réduction de coûts relevaient d’une activité de consultation juridique en droit fiscal exercée à titre principal en violation de la loi du 31 décembre 1971.

« Le CNB soutient à bon droit l'analyse de la réglementation en matière de charges sociales, celle de sa mise en oeuvre afin d'identifier, au regard de l'audit de la société Acturus, les potentielles économies réalisables dans ce domaine, d'émettre des préconisations à destination du client pour d'une part obtenir des remboursements de trop versé et, d'autre part, traiter d'éventuels excédents de charges à venir constitue bien une prestation intellectuelle personnalisée permettant d'émettre un conseil quant aux règles juridiques applicables et au client de prendre une décision, ce qui constitue de la part de la société M. E. une consultation juridique et non un simple audit ou l'application de simples règles de calcul de cotisations. »

En l’espèce, l’intervention de cette société allait bien au-delà de l’autorisation d’exercer le droit à titre accessoire dont elle pouvait se prévaloir dans les limites fixées par le législateur et au titre de l’arrêté du garde des Sceaux du 19 décembre 2000 pris en application de l’article 54-1 de la loi de 1971.

Rejetant aussi la demande de question préjudicielle du SYNCOST, les magistrats d’appel réaffirment la conformité du dispositif législatif français aux dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consacrant le principe de liberté d’établissement et de libre prestation de services (art. 49, 56, TFUE).

Il est ainsi rappelé le caractère légitime de l’entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation de service constituée par les articles 54 et 60 de la loi de 1971 encadrant la pratique de la consultation juridique et de la rédaction d’actes à titre accessoire des professionnels non réglementés.

Eu égard à l’objectif poursuivi par cette entrave, qui est l’intérêt des bénéficiaires de consultation juridique, la mesure doit être déclarée nécessaire et proportionnée, puisque les personnes qui pratiquent la consultation juridique à titre occasionnel et accessoire d’une activité principale, dont la loi ne dit pas, contrairement à ce qu’affirme le Syncost, qu’elle doit être non juridique, sont soumises à des exigences moindres que celles des professions réglementées et que ces mêmes personnes délivrent ces consultations dans le cadre de la compétence que leur confère leur activité principale, comme cela est d’ailleurs le cas pour les autres structures ou organismes désignés aux articles 61, 63 et 64 de la loi ».

Enfin, selon la cour d’appel, ce contrôle de la conformité du dispositif français au droit européen ne peut pas tenir du niveau de complexité de la prestation ou de la qualité du bénéficiaire, professionnel ou particulier, qui suivant le SYNCOST aurait justifié de restreindre l’application des règles protectrices de l’exercice à certaines catégories d’usagers.

« (…) la réalisation d'une prestation intellectuelle personnalisée permettant d'émettre un conseil quant aux règles juridiques applicables et au client de prendre une décision relève nécessairement d'une complexité certaine et ne peut être assimilée à celle d'un simple calcul accessible à tous (Cass civ 15 novembre 2010).

La société contrevenante est condamnée à régler au CNB une somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice moral de la profession. Le CNB se voit aussi allouer au total une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 CPC.

Cet arrêt de la cour d’appel de Versailles fait écho à un arrêt rendu le 18 décembre 2017 par la cour d’appel de Paris qui dans la logique de la jurisprudence de la Cour de cassation a annulé une convention de réduction de la taxe professionnelle conclue en violation de la loi du 31 décembre 1971.

Infirmant la décision des premiers juges du tribunal de commerce de Paris, la Cour annule, sur le fondement des articles 4 et 54 et suivants de la loi de 1971, la convention litigieuse qui confiait à la société de réduction de coûts la mission d’analyser les critères de calcul de la taxe professionnelle et d’assurer, pour le compte de la société contractante, la présentation et la défense, en personne, des réclamations portées devant l’administration fiscale.

Cette prestation caractérisait une prestation de consultation juridique à titre principal que la société contrevenante, bénéficiaire d’un agrément pour la pratique du droit à titre accessoire, ne pouvait délivrer sans contrevenir aux articles 54 et 60 du 31 décembre 1971.

« la société A. ne s'est donc pas livré à un simple calcul de cohérence entre les sommes dues et celle déclarées et réclamées mais a procédé à une interprétation juridique personnalisée de la législation et de la réglementation applicable et confronté des normes juridique applicables aux données apportées par la société G. qui a abouti à l'engagement et au suivi de la réclamation contentieuse devant l'administration fiscale ». (cass civ 1, 19 juin 2013, n° 12-20832 ; CA Versailles, 18 septembre 2014, n°13/0616).

De manière inédite, la cour d’appel relève l’existence dans la convention d’un mandat de représentation devant les juridictions conclu en violation de l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971 relatif au monopole de représentation de l’avocat.

Le CNB se voit octroyer dans cette affaire la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 CPC.

Annulation de 8 arrêtés du
Garde des sceaux conférant l’agrément pour la pratique du droit à titre
accessoire

Par 8 arrêts rendus le 28 novembre 2017, la cour administrative d’appel de Paris a annulé plusieurs arrêtés pris sur le fondement de l’article 54-1 de la loi du 31 décembre 1971 conférant « aux membres du service de conseil juridique » de divers organismes, l’agrément pour la pratique du droit à titre accessoire.

La cour administrative d’appel fait droit aux griefs du CNB qui avaient été rejetés par le tribunal administratif de Paris (TA Paris, 8 novembre 2016). Dans la rédaction de ces arrêtés, le garde des Sceaux ne pouvait viser les membres d’un « service de conseil juridique » sans induire en erreur le public sur l’existence d’une compétence juridique générale des organismes bénéficiaires. Ces derniers ne disposant que d’une compétence accessoire limitée en vertu des articles 60, 61, 63, 64.

Les juges administratifs d’appel réservent aussi la possibilité d’un retrait de l’agrément si son bénéficiaire ne devait pas respecter les conditions auxquelles est subordonnée la pratique du droit à titre accessoire.

Les avocats peuvent se féliciter de ces décisions qui confortent l’action du CNB et la légitimité de la réglementation française de l’exercice du droit. L’intérêt général et la protection des usagers de droit exigent en effet que ces prestations, quelles que soient leur nature et leur bénéficiaire, soient délivrées par des professionnels compétents, responsables et dotés d’une déontologie exigeante.

Des succès qui font évoluer la pratique

Loin de présenter un caractère corporatiste, ces actions peuvent aussi impulser une dynamique positive auprès des opérateurs économiques comme en témoigne le protocole transactionnel conclu par le CNB avec un important assureur de protection juridique à la suite d’une procédure initiée sur le fondement de la loi du 31 décembre 1971.Homologué par ordonnance du vice-président du TGI de Paris du 26 janvier 2018, ce protocole transactionnel contractualise pour la première fois la définition de la consultation juridique portée depuis plusieurs années par le CNB (AG, 18 juin 2011) et prévoit la mise en place d’un comité de suivi pour résoudre toute question inédite relative à l’interprétation et à l’application dans le secteur de l’assurance de protection juridique.

La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d'un avis ou d'un conseil fondé sur l'application d'une règle de droit en vue, notamment, d'une éventuelle prise de décision.

Assemblée générale, 18 juin 2011