La Présidente de la Cour européenne des droits de l’Homme a publié le 20 mars 2023, une instruction pratique concernant la tierce intervention opérée en vertu de l’article 36 § 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme ou de la deuxième phrase de l’article 3 du Protocole n°16.
Cette instruction vise à clarifier la manière dont les tierces parties peuvent intervenir, en particulier les délais à respecter pour la soumission d’observations écrites, le contenu et la portée de ces observations, ainsi que la manière dont la Cour les utilise lorsqu’elle examine une affaire.
Ce document est l’aboutissement d’un processus lancé en 2018 et incitant la Cour à encourager la tierce intervention et accompagne une nouvelle version du règlement de la Cour, qui intègre des modifications apportées à l’article 44 §§ 2 et 3 b) du règlement de la Cour portant sur la tierce intervention.
Le rôle des tierces interventions dans la procédure menée devant la Cour
L’article 36 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, permet à tout État qui n’est pas partie à l’instance ou toute personne intéressée autre que le requérant à présenter des observations écrites ou à prendre part aux audiences.
Le Protocole n°16, qui permet aux plus hautes juridictions nationales des États membres de demander à la Cour un avis consultatif. L’article 3 dudit protocole permet au Président de la Cour d’inviter, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, toute autre Haute Partie contractante ou personne à présenter également des observations écrites ou à prendre part aux audiences.
Qui peut intervenir en qualité de tierce partie en vertu de l’article 36 § 2 de la Convention ou de la deuxième phrase de l’article 3 du Protocole n°16
S’agissant des amicus curiae autorisés par l’article 36 § 2 de la Convention, L’expression « toute personne intéressée » peut inclure des organisations non gouvernementales, des universitaires, des particuliers, des entreprises, d’autres organisations internationales, d’autres organes du Conseil de l’Europe, des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme, etc. L’intérêt d’intervenir réside normalement dans la possibilité pour ces intervenants de présenter des observations susceptibles d’aider la Cour, et donc de servir « l’intérêt d’une bonne administration de la justice ».
S’agissant des tiers intéressés, L’expression « toute personne intéressée » peut également inclure des personnes dont les droits peuvent être affectés, quoiqu’indirectement, si la Cour constate une violation de la Convention ou de ses protocoles. Il peut s’agir, par exemple, de l’adversaire dans la procédure nationale ayant conduit à la saisine de la Cour.
En quels cas une tierce partie est invitée ou autorisée à intervenir
L’intervention de toute personne intéressée autre que les Etats contractants n’est pas de droit. Elle est laissée à la discrétion de la Cour et n’est possible que si cette dernière est convaincue que l’intervention serait « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». En revanche, la Cour n’exige pas que l’intervenant potentiel ait un intérêt juridique direct à l’issue du litige.
La représentation des tiers intervenants
Les tierces parties autres que les Etats contractants qui interviennent au titre de l’article 36 § 2 de la Convention ou de la deuxième phrase de l’article 3 du Protocole n°16 n’ont pas l’obligation d’être représentées à aucun stade de la procédure. Elles peuvent néanmoins être représentées.
En quoi consiste une tierce intervention
La tierce partie n’est normalement autorisée qu’à soumettre des observations écrites. En vertu du règlement de la Cour, elle ne peut être autorisée à prendre part à l’audience et à présenter des observations orales que « dans des circonstances exceptionnelles ». En cas d’intervention orale, celle-ci ne peut excéder 10 minutes.
Les stades de la procédure menée devant la Cour où une tierce intervention est possible et les délais afférents
> Au cours de la procédure contentieuse au titre de l’article 33 ou 34 de la Convention
- Lorsque la requête est portée à la connaissance de l’État contractant défendeur. Le délai de douze semaines pour déposer une demande d’intervention dans cette situation commence à courir lorsque l’information selon laquelle la requête a été portée à la connaissance de la Partie contractante défenderesse est publiée sur HUDOC. Le président de la chambre peut toutefois, dans certains cas, fixer un délai plus court ou plus long en application du règlement de procédure.
- Au cours d’une audience devant une chambre dans des circonstances exceptionnelles. Dans ce cas, les demandes d’autorisation de prendre part à une audience doivent être soumises au plus tard quatre semaines après la publication de la décision de tenir une audience.
- Après qu’une chambre a décidé de se dessaisir au profit de la Grande Chambre dans un délai de douze semaines à compter de la publication de la décision de dessaisissement. Le président de la Grande Chambre peut, dans certains cas, fixer un délai plus court ou plus long. En cas de dessaisissement au profit de la Grande Chambre, les observations formulées sont normalement versées au dossier de la Grande Chambre.
- Après que le collège de la Grande Chambre a accueilli la demande de renvoi d’une affaire devant la Grande Chambre dans un délai de douze semaines à compter de la publication de la décision de renvoi. Le président de la Grande Chambre peut fixer un délai plus court ou plus long.
- Dans le cadre d’une enquête menée par la Cour, dans le délai fixé par le président de la chambre.
> Au cours de la procédure relative aux demandes d’avis consultatifs soumises en vertu du Protocole n°16
La tierce intervention dans les procédures d’avis consultatif est possible après que le collège de cinq juges de la Grande Chambre a accueilli ladite demande d’avis. Les parties à la procédure interne sont normalement invitées à intervenir. Pour les autres tierces parties, le délai pour déposer une demande d’intervention est normalement de huit semaines, à compter de la publication de la décision d’acceptation.
Il n’est pas possible de faire une tierce intervention devant le collège qui décide s’il y a lieu d’accueillir une demande d’avis consultatif en vertu du Protocole n°16
La langue, le contenu et les modalités de présentation d’une demande d’autorisation d’intervention
Les observations écrites soumises par des tierces parties doivent être normalement rédigées en Français ou en Anglais, ou traduites dans une de ces langues. Par ailleurs, l’instruction précise de manière détaillées les conditions de forme et de fonds et ne doit pas dépasser 10 pages.
Les observations écrites des tiers intervenants, accompagnées de leurs annexes, doivent être envoyées en trois exemplaires par courrier ou en un exemplaire unique envoyé par télécopie suivi de trois exemplaires envoyés par courrier.
Le dépôt par courrier électronique n’est pas accepté.
En cas de non-respect des instructions, le Président de chambre peut décider de ne pas verser la tierce intervention au dossier.
Les parties peuvent exercer un droit de réponse aux observations écrites soumises par une tierce partie. Dans le cadre d’une procédure relative à une demande d’avis consultatif, la juridiction dont émane la demande, qui peut y répondre.
Enfin, l’instruction précise que les tiers intervenants ne peuvent se voir octroyer de satisfaction équitable et ne bénéficient pas de l’assistance judiciaire de la Cour sauf si des parties à la procédure interne sont invitées à intervenir par la Cour.