La Cour de cassation confirme l’interdiction faite à la société Jurisystem d’utiliser le nom de domaine « avocat.net » et précise la portée de l’application des règles déontologiques des avocats.
Le Conseil national des barreaux avait assigné l’éditeur d’un site de mise en relation entre des usagers et des avocats dénommé « avocat.net » pour utilisation illicite du titre d'avocat, pratiques commerciales trompeuses, exercice illégal de la profession d'avocat, démarchage juridique prohibé. Il lui était également reproché une atteinte aux règles de la profession d’avocat prohibant la publicité comparative ainsi que la rémunération de l’apport d’affaires et du partage d’honoraires au regard des conditions d’intervention des avocats référés.
Par un arrêt du 18 décembre 2015, la Cour d’appel de Paris avait confirmé les mesures d’interdiction et de radiation du nom de domaine « avocat.net » ordonnées sur le constat d’un usage prohibé du titre protégé d’avocat et du caractère trompeur de ce nom de domaine pour l’Internaute.
Elle avait ainsi jugé que l’usage de la dénomination « avocat.net », sans adjonction d'autres termes, est de nature à laisser penser à l'internaute que le site est exploité par des avocats ou que tous services émanent d'avocats, alors qu’en l’espèce, certaines prestations sont assurées par des personnes ne possédant pas cette qualité. La Cour avait aussi interdit le système de comparaison et de notation des avocats référencés pratiqué sur le site nouvellement dénommé « alexia.fr » en raison de son caractère trompeur et contraire aux obligations déontologiques des avocats.
Saisie d’un pourvoi principal de la société Jurisystem et d’un pourvoi incident du CNB faisant grief à l’arrêt d’avoir refuté toute rémunération par apport d’affaires et tout partage d’honoraire prohibé dans la relation entre l’avocat et l’exploitant, la Première chambre civile de la Cour de cassation a rendu son arrêt le 11 mai 2017.
De manière satisfaisante, la Cour de cassation a rejeté les nombreux moyens de la société Jurisystem qui reprochait à la Cour d’avoir ordonné la suppression ou le transfert des noms de domaines « avocat.net » et « iavocat.fr » au profit du CNB.
Les Hauts magistrats reconnaissent que l’usage de ces noms de domaine par la société commerciale Jurisystem, associée à l'offre concomitante d'accès à des fiches juridiques, est de nature à créer une confusion sur la qualité de ses interlocuteurs dans l'esprit du public non averti, qui peut croire être en relation avec des avocats alors que cette société proposait seulement sur son site « avocat.net » d'obtenir des devis de prestations d'avocats.
La Cour de cassation a également rejeté les moyens reprochant à la Cour d’appel d’avoir interdit à la société Jurisystem de faire usage du slogan « le comparateur d’avocat numéro 1 en France », cette interdiction ayant été étendue par la Cour d’appel aux slogans « comparez les avocats» et « comparateur d’avocats ». Cette affirmation avait été jugée trompeuse par les juges du fond dans la mesure où elle ne s’applique qu’aux avocats inscrits sur le site et non à l’ensemble des avocats.
En revanche, sur le pourvoi de la société Jurisystem, la Première chambre civile a cassé partiellement l’arrêt d’appel en ce qu’il interdit à cette société de procéder et d’établir des comparateurs et notations d’avocats sur son nouveau site « alexia.fr » sous peine d’astreinte.
La première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que si l’article 15 alinéa 1 du décret du 12 juillet 2005 interdit à tout avocat d’intégrer à l’occasion d’opérations de publicité ou de sollicitation personnalisée tout élément comparatif ou dénigrant, cette restriction a pour objectif d’assurer le respect des règles professionnels visant à l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession d’avocat mais que les tiers ne sont pas tenus par les règles déontologiques de cette profession et qu’il leur appartient seulement, dans leurs activités propres, de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente.
Le débat se poursuivra sur ce point en renvoi devant la Cour d’Appel de Versailles qui devra déterminer si le système de notation et de comparaison des avocats mis en place sur le site litigieux est conforme ou non aux prescriptions du Code de la consommation prohibant les pratiques commerciales trompeuses (L. 121-1) et à celles applicables aux comparateurs et opérateurs de plateformes en ligne (art. L. 111-6) renforcées par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique dans ses dispositions relatives à la loyauté des plateformes.
Dans son arrêt du 11 mai 2017, la Cour de cassation a aussi rejeté la demande du CNB tendant à l’interdiction des conditions de rémunération des prestations de la société Jurisystem dans ses relations avec les avocats, dès lors qu’elles sont étrangères aux honoraires directement perçus par l’avocat. La Haute Cour souligne que le Règlement intérieur national de la profession d’avocat du CNB ne régit que les avocats et que ses dispositions ne peuvent être opposées à des tiers étrangers à cette profession
Sur cette question de la portée des règles déontologiques, la première chambre civile de la Cour de cassation a repris la position adoptée dans un précédent arrêt du 26 avril 2017 concernant une association employant des chirurgiens-dentistes dans ses centres de santé, et par lequel elle estime que les règles déontologiques de la profession de chirurgien-dentiste ne régissaient que les relations entre les professionnels et ne pouvaient être opposés à des tiers.
Dans cette espèce, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et un syndicat professionnel avaient assigné cette association en concurrence déloyale à raison des pratiques publicitaires adoptées pour promouvoir son activité qui porteraient préjudice aux cabinets dentaires libéraux situés à proximité.