Confronté à la situation alarmante des enfants français retenus dans des camps syriens, le Conseil national des barreaux adopte une résolution appelant à leur rapatriement immédiat et à une prise en charge harmonisée en France.
Le 17 mai 2024, lors de son assemblée générale, le Conseil national des barreaux a adopté une résolution concernant les enfants français détenus dans les camps de Roj et Orkesh en Syrie. Ces enfants, emmenés par leurs parents en zone de conflit ou nés sur place, vivent dans des conditions inhumaines et dégradantes, contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le CNB dénonce les conditions de détention arbitraires et sans droit des enfants dans ces camps, en violation du droit international et de la Convention internationale des droits de l'enfant et appelle sans délai au rapatriement de ces enfants.
Problèmes de filiation et de prise en charge en France
Pour les enfants déjà rapatriés, le CNB critique l'absence d'uniformité dans les procédures d'établissement de filiation entre l'enfant et sa mère, ce qui retarde la reconnaissance juridique de ces familles. L'intérêt supérieur de l'enfant exige une procédure de filiation rapide et simple.
Le CNB dénonce également les pratiques variées en matière d'assistance éducative, notamment celles visant à exclure la mère de la procédure tant que le lien de filiation n'est pas établi. Cette exclusion prive la mère de tout contact avec son enfant et de recours contre les décisions d'assistance éducative.
Le CNB appelle à l'établissement de pratiques uniformes respectueuses des liens familiaux.
Accès à l'information et droit de la défense
Le CNB critique par ailleurs la restriction d'accès à plusieurs dépêches et circulaires sur la prise en charge des enfants rapatriés, leur publication étant essentielle pour un exercice effectif des droits de la défense.
Il exige en outre que les informations communiquées aux magistrats dans le cadre des cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles, réunies en formation restreinte, soient systématiquement versées au dossier de la procédure d'assistance éducative, ou que les avocats puissent participer à ces cellules.
Des mesures de contrôle administratifs appliqués à des enfants victimes
Le CNB rappelle que les enfants contraints de rejoindre des formes armées doivent avant tout être considérés comme des victimes. Il dénonce les mesures administratives de surveillance imposées par le ministère de l'Intérieur, comme le pointage quotidien auprès des forces de l'ordre, contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Par cette résolution et ce rapport, le CNB réaffirme son engagement pour la protection des droits des enfants et une prise en charge humanitaire et respectueuse, essentielle pour leur bien-être et leur avenir.
Focus sur l'intervention de Marie Dosé
Dans le cadre de l’assemblée générale du 17 mai, l’avocate Marie Dosé a témoigné sur le sort des enfants retenus dans les camps de prisonniers djihadistes, appelant à leur rapatriement sur le sol français. De sa visite en février dernier dans les camps du nord-est syrien, Marie Dosé en rapporte un témoignage poignant. Marquées par l’insalubrité et les mauvais traitements, les conditions de détention des femmes et des enfants de djihadistes sont contraires au respect de la dignité humaine, comme en fait état le dernier rapport d’Amnesty International. Cette situation contrevient également à la protection des droits de l’enfant. Pour la profession, il s’agit de dénoncer ce qui relève d’une « question politique » mais aussi « judiciaire », selon Marie Dosé.
Cinq ans après la chute de Daech, entre 50 et 150 enfants français restent détenus dans les camps syriens, selon une estimation fournie par le dernier rapport de la commission Libertés et droits de l’Homme.
Depuis 2012, des centaines d’enfants de toutes origines (belges et allemands notamment) ont pu bénéficier d’un rapatriement et des solutions sont recherchées à l’échelle de l’Europe depuis 2019. Cependant, la France fait figure d’exception. Dotée de la justice anti-terroriste la plus répressive, elle a fixé pour les femmes de djihadistes des peines d’emprisonnement de 12 ans, avec 10 ans de sûreté. Les derniers rapatriements d’enfants et de mères en France datent du 4 juillet 2023 ; depuis, ils sont considérés comme impossibles.