Mise à jour du 19.06.2020
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Par un arrêt du 6 novembre 2018, la cour d’appel de Paris, saisie par le CNB d’une demande de fermeture des sites « demanderjustice.fr » et « saisirpruhommes » de la société Demanderjustice, a enjoint à cette dernière, sous astreinte de 5 000 euros par jour, de faire disparaître les mentions relatives au taux de réussite (« 82 % des plaignants ont obtenu gain de cause »), sauf à en mentionner précisément les modalités de calcul, et lui a fait interdiction d’utiliser ensemble les trois couleurs du drapeau français bleu-blanc-rouge reprises sur son logo.
Cette décision est un signal fort pour tous les acteurs du numérique et les justiciables. Le CNB veut rendre transparents les services juridiques en ligne et lever toute ambiguïté pour les consommateurs de droit dans le cadre d’une véritable régulation.
Olivier Fontibus, président de la commission Exercice du droit du CNB
Cette injonction visait à supprimer tout risque de confusion avec un site ou un service officiel et à permettre une information loyale et non trompeuse du justiciable sur les chances de succès du service de saisine des juridictions sans ministère d’avocat obligatoire proposé par cette société.
Constatant que les sites litigieux n’ont pas été modifiés conformément au dispositif de l’arrêt, le CNB a saisi le JEX aux fins de voir liquider, à hauteur de 1 380 000€, l’astreinte prononcée par la Cour.
Le CNB faisait valoir que la société Demanderjustice s’était contentée de remplacer la couleur blanche de son logo par une teinte d’un gris si pâle que sa distinction avec le blanc est impossible à effectuer et que la notice explicative des taux de réussite ajoutée par Demanderjustice était difficilement accessible depuis ce site.
Dans son jugement rendu le 29 janvier 2020, le Juge de l’exécution fait partiellement droit aux demandes du CNB et condamne la société Demanderjustice au paiement d’une astreinte de 500 000 euros avec exécution provisoire de droit.
Concernant la modification des couleurs du logo, le juge constate le caractère persistant du risque de confusion dès lors que la modification des couleurs était invisible à l’œil nu :
« Force est de constater à l’examen des différentes photographies communiquées qu’il est impossible sur un écran de consultation de différencier le gris pâle utilisé de la couleur blanche, d’autant plus que la bande grise apposée entre les couleurs rouge et bleue est plus pâle que le gris utilisé pour la tête de la figurine et sa base, lui conférant ainsi par contraste une clarté plus importante ».
En ce qui concerne le taux de réussite, la notice explicative se révèle difficilement consultable par l’internaute sauf à positionner le curseur sur la mention litigieuse, ce qui, en l’absence de lien hypertexte identifié comme tel, donnait l’impression qu’aucune information n’était accessible.
Le CNB se félicite de cette décision qui va dans le sens de la protection des intérêts des justiciables et du bon fonctionnement du service public de la justice, et s’emploiera à utiliser les sommes recouvrées pour consolider la transition numérique de la profession d’avocat.
NB : L’arrêt de la Cour d’appel de Paris reste toutefois frappé d’un pourvoi en cassation sur les dispositions déboutant le CNB de ses demandes fondées sur la loi du 31 décembre 1971.
C'est une clarification utile. Et une condamnation lourde. Les legaltechs n'échappent pas au droit.
Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB