Le 24 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les cours criminelles départementales pour qui ces juridictions ne méconnaissent ni le principe d'égalité, ni aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant l'intervention d'un jury pour juger les crimes de droit commun.
Introduites à titre expérimental par l'article 63 de la loi de programmation de la justice du 23 mars 2019, les cours criminelles départementales sont compétentes pour juger les personnes majeures non-récidivistes accusées d'un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle (viols, violences mortelles, vols à main armée notamment). Elle est composée de cinq magistrats professionnels, deux d'entre deux pouvant être des magistrats honoraires, des avocats honoraires ou exercer leurs fonctions à titre temporaire.
Lors de son assemblée générale du 16 janvier 2023, le Conseil national des barreaux avait rappelé son opposition à la généralisation des cours criminelles départementales. En effet, cette généralisation a pour effet un recul de la démocratie judiciaire du fait de la disparition des jurés et à laquelle est attaché le CNB. C'est justement sur ce recul de la démocratie judiciaire que devrait notamment se prononcer le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité ce 24 novembre dernier.
Plus précisément, deux principes étaient invoqués à l'appui de cette QPC : le principe d'égalité et un potentiel principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant l'intervention d'un jury pour juger les crimes de droit commun.
Sur le principe d'égalité, les juges constitutionnels devaient examiner si la procédure devant les cours criminelles entraînait ou non une différence de traitement injustifié en permettant le renvoi des accusés devant une cour d'assises ou une cour criminelle départementale sur des critères relatifs au quantum de la peine encourue, à l'état de récidive légale ou, le cas échéant, à la présence de coaccusés et en prévoyant des règles de majorité moins favorables que ceux jugés par une cours d'assises pour le vote sur la culpabilité et sur le prononcé de la peine maximale.
Le Conseil constitutionnel rejette ces griefs, considérant par une justification péremptoire que les personnes renvoyées devant une cour criminelle et celles devant une cour d'assises sont dans une situation différente permettant une différence de traitement. Il ajoute, s'agissant de la différence relative aux règles de majorité, que cette différence est justifiée par la composition des cours criminelles. S'agissant de l'existence d'un PFRLR imposant le jugement des crimes par un jury populaire, le Conseil constitutionnel refuse de la consacrer. S'il reconnaît l'importance du jury populaire, il retient en effet que « le principe de l'intervention du jury en matière criminelle a été écarté par les lois des 24 février 1875, 9 mars 1928 et 13 janvier 1938 » pour certains crimes. Or, un principe ne peut être reconnu comme un PFRLR que s'il fait l'objet d'une application continue par les différents régimes républicains. Par conséquent, la valeur constitutionnelle du jury populaire a été exclue.
Au regard de ses positionnements antérieurs, le CNB ne peut que regretter cette décision qui consacre une juridiction contraire à la démocratie judiciaire et dont la création a été principalement motivée par des considérations économiques.