Saisi d’une demande en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 17 avril 2015 par laquelle le Conseil national des barreaux (CNB) a rejeté la requête d’un avocat tendant à l’abrogation des alinéas 2 et 3 de l’article 10.5 du Règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) relatifs aux noms de domaine des sites Internet, dans leur rédaction issue de la décision normative n° 2014-001 du 10 octobre 2014, le Conseil d’Etat a rendu le 23 décembre 2015 un arrêt de rejet rappelant, dans la continuité de sa précédente décision, l’étendue du pouvoir normatif conféré au CNB pour unifier les règles et usages de la profession.
Le Conseil d’Etat a finalement repris la motivation qui avait été la sienne dans le cadre du précédent contentieux et retenu que les règles posées par l’article 10.5 du RIN, destinées à assurer l’intégrité de la profession et la bonne information du client, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété des avocats, ni à leur liberté de communication.
Moyen de légalité portant sur la compétence normative du CNB
Le Conseil d’Etat a repris une argumentation constante sur la hiérarchie des normes et l’étendue du pouvoir réglementaire du CNB pour unifier les règles et usages de la profession qu’il tient de l’article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971.
Il reconnaît ainsi compétence au CNB pour édicter les règles contestées.
Des règles qui ne subordonnent pas l’avocat à de nouvelles conditions d’exercice
Le Conseil d’Etat a estimé que les règles incriminées n’avaient pas pour effet de subordonner à des conditions nouvelles l’exercice de la profession d’avocat.
D’une part, l’intérêt général de la profession d’avocat, dont l’expression est confiée au CNB, d’autre part, le respect des principes essentiels de la profession et des exigences déontologiques, et enfin le respect des règles relatives à la publicité permettent que le CNB, au titre de sa mission d’harmonisation des règles et usages de la profession avec les lois et décrets en vigueur, précise les conditions selon lesquelles un avocat peut choisir un nom de domaine pour son site Internet, de manière à éviter l’appropriation directe ou indirecte, via un nom de domaine générique, d’un domaine du droit ou d’un domaine d’activité que se partage la profession.
Des règles qui ne relèvent pas du champ des dispositions de la Directive du 12 décembre 2006
Le Conseil d’Etat considère qu’il résulte des dispositions de l’article 24 et du paragraphe 12 de l’article 4 de la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur que les informations relatives aux noms de domaine ne constituent pas une communication commerciale au sens du paragraphe 12 de l’article 4 de la directive précitée et que dès lors, les dispositions de l’article 10.5 du RIN ne relèvent pas du champ de cette directive.
Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin de saisir la CJUE d’une question préjudicielle, le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article 10.5 du RIN seraient contraires à l’article 24 de la directive, ne peut être utilement soulevé.
Des règles conformes aux principes fondamentaux et aux principes essentiels de la profession
Selon une jurisprudence constante, le Conseil d’Etat confirme que les règles contestées ne méconnaissent pas la liberté d’exercice de la profession d’avocat, ni les règles essentielles qui la régissent (CE, 19 oct. 2012, n° 354613 ; CE, 9 nov. 2015, n° 384728). En prohibant l’utilisation d’un nom de domaine générique par les avocats, ces règles ne portent pas d’atteinte disproportionnée ni au droit de propriété des avocats, ni à leur liberté de communication, ni, en tout état de cause, à la liberté d’entreprendre.
Des règles qui ne méconnaissent pas le principe d’égalité avec les confrères étrangers autorisés à s’installer sur le territoire national sous leur titre d’origine.
Si les dispositions du deuxième alinéa de l’article 10.5 du RIN prévoient que le nom de domaine doit comporter le nom de l’avocat ou de son cabinet et peut être suivi ou précédé de la mention « avocat », elles ne font pas obstacle à ce que les avocats ressortissants de l’Union européenne fassent mention, dans le nom de domaine qu’ils choisissent, de leur titre professionnel d’origine.