Dans le cadre des travaux engagés par le CNB en matière d’entreprises et droits de l’Homme, le groupe de travail dédié vous présente un article d'Anne-Sophie Maurilieras, directrice juridique, contrôle interne et qualité de France Mutuelle et membre du groupe du travail. Il concerne la conformité et l’offre des avocats sur ce marché en pleine expansion.
La crise financière de 2008, l’harmonisation des normes au niveau européen ont, en un peu plus de dix ans, vu l’émergence d’une réglementation foisonnante en matière de conformité.
Dans le domaine financier et plus particulièrement dans celui de l’assurance, ce phénomène s’est accentué avec l’accroissement des pouvoirs des autorités de régulation qu’il s’agisse de l’Autorité des Marchés Financiers – AMF – ou de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution – ACPR. En conséquence les assureurs ont été obligés de revoir leur organisation et de mettre en place des procédures dans les domaines suivants :
- La régulation assurancielle : dispositif Solvabilité II, lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, pratiques commerciales ;
- Les évolutions liées au règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données, dit RGPD
- La lutte contre la corruption issue du dispositif Sapin 2 régulé par l’Agence Française anti-corruption
La nécessité pour les acteurs de ce marché de rendre opérationnelle cette nouvelle réglementation au sein de leur structure a été renforcée par les nombreuses sanctions toujours plus importantes délivrées par ces autorités. A titre d’exemple, on pourra citer la décision dont La Banque Postale a fait l’objet en matière de Lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Outre les sanctions, les autorités demandent aujourd’hui à leurs assujettis de leur délivrer à échéance régulière – souvent annuelle - de nombreux reportings issus, pour la majorité d’entre eux de questions liées à la conformité. Parmi ces eux, on peut citer le questionnaire sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, celui sur les pratiques commerciales, les contrats en déshérence, le rapport régulier au contrôleur et le rapport sur la sur la solvabilité et la situation financière…
L’impact et les coûts de la mise en œuvre de la conformité
Ce foisonnement de nouvelles réglementations a des impacts très forts en termes d’organisation et de coût. La coordination efficace de l’ensemble de ces chantiers implique de revoir trois aspects fondamentaux des organismes d’assurance :
- L’optimisation et la revue des systèmes d’information avec pour objectif essentiel d’obtenir une qualité et cohérence de données conformes à ces différentes réglementations ;
- La réalisation et la mise en place d’outils tels que des cartographies des risques, des études d’impact, l’écriture de procédures et autres politiques écrites, l’animation de formations à l’attention des collaborateurs ;
- Le contrôle de la fiabilité des dispositifs mis
en place et la mise en place d’une chaine de responsabilité afin de s’assurer
de la maitrise de ce risque de conformité.
Et l’offre des avocats dans ce marché ?
Face à cette demande, bon de nombre de cabinets de conseil ont conçu des « packages » « clé en main » permettant de répondre aux besoins des organismes.
Et les avocats dans tout ça ? Mis à part quelques cabinets, l’offre a été beaucoup plus discrète… Cela est assez regrettable surtout lorsqu’on observe d’un peu plus près le besoins du marchés de l’assurance.
Rappelons que ce secteur compte en 2018 713 organismes (entreprises d’assurances, mutuelles, institutions de prévoyance) ; mais contrairement à certaines idées reçues, il ne se cantonne pas à ces seuls « preneurs de risque ». L’assurance et sa réglementation recouvrent également celui de sa distribution. En d’autres mots, à l’exception de Solvabilité 2, les intermédiaires d’assurances sont eux aussi concernés par les dispositifs de conformité et par les sanctions de leurs régulateurs...
Or le rapport ORIAS récence en 2018, 24 470 courtiers d’assurance et de réassurance, 11 364 agents généraux d’assurance, 2 586 mandataires d’assurance et 23 265 mandataires d’intermédiaires d’assurance. L’ensemble de ces professionnels, répartis sur tout le territoire français s’organise pour la plupart d’entre eux, en PME, TPE voire en entreprises unipersonnelles.
Ce que recherchent aujourd’hui ces professionnels c’est avant tout un conseil juridique qui soit un conseil de proximité adapté à la taille de leur structure. Rappelons que la conformité est une réglementation abondante, souvent complexe, avec des aspects contradictoires. En outre les réglementations en matière de conformité ne tiennent nullement compte de taille des entreprises et des moyens qu’elles peuvent allouer à l’adaptation de tels dispositifs.
A titre d’exemple il est intéressant d’observer l’historique des sanctions de la CNIL suite à la mise en application du RGPD. En effet, début 2019, alors que les entreprises sanctionnées s’appelaient GOOGLE, UBER, BOUYGUES TELECOM, depuis juin, la taille et la notoriété des entités condamnées semblent beaucoup plus réduites, en revanche le montant des sanctions financières est parfois resté le même. On peut d’ailleurs constater que la dernière en date concerne un courtier d’assurance…
A l’instar de ce qui se passe aujourd’hui dans le domaine des assurances, les travaux de mise aux normes de la conformité des entreprises concernent aujourd’hui de nombreux secteurs. L’avocat a un rôle à jouer dès maintenant dans ce nouveau marché dans lequel tout reste encore à faire et pour lequel le champ de possibles est encore grand !