20 janvier 2025

Mission d'urgence sur la déjudiciarisation : le CNB s'interroge sur les orientations prises en matière civile

Textes

Dans un rapport voté à l’unanimité, le CNB déplore les orientations prises par la mission d'urgence lancée par le Garde des Sceaux sur la déjudiciarisation, s’agissant du contentieux civil, à savoir l’utilisation des MARD comme un simple outil de gestion des flux et le transfert de l’activité juridictionnelle au profit de l’administration publique au détriment des garanties apportées par l’Etat de droit et l’accès à un juge indépendant.

Face aux difficultés croissantes des juridictions à audiencer, dans des délais raisonnables, les procédures, tant en matière civile que pénale, le garde des Sceaux a lancé, le 28 novembre 2024, trois missions d'urgence relatives à l'audiencement criminel et correctionnel, l'exécution des peines et à la déjudiciarisation qui doivent rendre leurs conclusions pour le 15 février 2025.

La mission relative à déjudiciarisation, qui vise à « recentrer la justice sur son rôle », propose, dans son volet civil, plusieurs orientations jugées inquiétantes qui consisteraient à sortir de l'office du juge certains contentieux pour les confier aux juridictions administratives ou financières, à l'administration elle-même ou de systématiser les procédures amiables ou autres modes alternatifs de règlement des litiges. 

Sur un rapport de la commission Textes voté à l'unanimité, le CNB déplore, d'abord sur la méthode employée, qu'aucun avocat ne soit membre de cette mission, alors même que l'avocat est le témoin quotidien des difficultés rencontrées par la justice et la première victime collatérale de ces difficultés qui affectent avant tout le justiciable dont il est le porte-voix.

Sur le contenu des orientations, le CNB dénonce le risque d'une déjudiciarisation à marche forcée qui verrait le transfert de certains contentieux civils à des organismes administratifs sans garantie d'efficacité et au détriment des garanties apportées par l'Etat de droit et l'accès à un juge indépendant. L'Etat ne saurait s'en remettre pour le traitement du contentieux civil et familial, à ses administrations qui n'ont ni la nature, ni la fonction, ni les compétences, comme le montre les difficultés rencontrées avec la généralisation de l'intermédiation des pensions alimentaires sous le contrôle de l'ARIPA. 

Si le CNB s'est toujours investi en faveur de l'essor des modes amiables, il s'est toujours opposé à ce que les MARD soient utilisés comme un outil de gestion des stocks. Les MARD sont un outil à part entière, supplémentaire, de résolution des litiges permettant de recréer le lien social entre les parties. Les travaux de la mission ne doivent pas marquer un recul par rapport à la politique de l'amiable du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti et il est indispensable de laisser le temps nécessaire aux mécanismes nouveaux de l'audience de règlement amiable et de la césure. 

Le CNB rappelle aussi que toute piste de déjudiciarisation doit être pensée avec l'avocat, sous sa conduite ou avec son accompagnement, comme pour la procédure de divorce par consentement mutuel, et en intégrant ab initio les questions d'accès au droit et la question de l'aide juridictionnelle pour les personnes qui n'ont pas les moyens de rémunérer un avocat.

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