De façon à redonner à la conciliation pour le règlement des différends entre avocats à l’occasion de leur exercice professionnel un caractère obligatoire, dès lors que le bâtonnier l’ordonne, la commission Statut professionnel de l'avocat du CNB a proposé deux projets de modification de la rédaction des articles 179-1 et 179-5 du décret du 27 novembre 1991. Ces propositions ont été adoptées par l'AG de décembre.
La réglementation professionnelle prévoit une conciliation préalable du bâtonnier en cas de conflit à l’occasion d’un litige entre avocats (art. 21 de la loi n° 71-1130 du 31 déc. 1971, art. 179-1 et s. du décret n° 91-1197 du 27 nov. 1991 qui renvoient à l’art. 142 du décret).
La Cour de cassation a jugé à la surprise générale, et en prenant le contre-pied de la jurisprudence constante des cours d’appel, que la tentative préalable de conciliation est facultative en raison du défaut de règles encadrant la procédure de conciliation du bâtonnier et l’absence de sanction en cas de défaut de tentative préalable de conciliation.
Cette décision est contraire au mouvement général du droit en faveur des modes alternatifs de règlement des litiges (MARD), précisément à la tendance générale du droit français de rendre obligatoire le recours au MARD avant toute saisine du juge (ex. art. 750-1 du CPC). Cette tendance, qui consiste à rendre obligatoire le recours au MARD avant toute saisine du juge, à peine d’irrecevabilité, ne constitue pas, selon la Cour européenne des droits de l’homme une entrave substantielle au droit d'accès direct au juge « […] si par ailleurs le processus amiable suspend le cours de la prescription et qu'en cas d'échec, les parties disposent d'une possibilité de saisir le juge compétent » (CEDH, sect. 1, 26 mars 2015, n° 11239/11).
En outre, ces arrêts ont pour effet de déstabiliser en pratique la conciliation du bâtonnier alors qu’elle produit des résultats très satisfaisants.
L’objectif est de redonner à la conciliation un caractère obligatoire, dès lors que le bâtonnier l’ordonne. En conséquence, la commission SPA propose deux projets de modification de la rédaction des articles 179-1 et 179-5 du décret du 27 novembre 1991.
Après une première présentation lors de l’AG du 13 octobre, un premier texte, contenant des options de rédaction, avait été soumis au vote par la commission Statut professionnel de l’avocat (commission SPA) lors de l’AG du 17 novembre dernier.
L’assemblée a voté sur deux points qui sont définitivement acquis :
- qui peut être nommé conciliateur (ajout du vice-bâtonnier, et des anciens élus honoraires)
- la possibilité, pour le bâtonnier, d’ordonner une tentative de conciliation y compris en cas de « référé »
D’autres options de rédaction n’avaient pas été tranchées :
- la durée de la tentative de conciliation (2 ou 4 mois)
- la production des écrits en conciliation
- l’établissement du procès-verbal de conciliation
- la possibilité pour n’importe quelle partie de mettre fin à la conciliation, quand elle le veut.
Avant l’AG du mois de décembre, les membres de la commission SPA ont pris parti sur les différentes options de rédaction afin d’adresser un projet texte consolidé (sans option) aux membres du CNB pour observations et amendements.
La commission a reçu les observations et amendements de la Conférence des bâtonniers, du barreau de Paris, de la commission Règles et usages du CNB, de la FNUJA, du SAF et du président de la commission MARD, Hirbod Dehghani-Azar.
Les amendements reçus ont été examinés par les membres élus de la commission dans le but de parvenir à un texte définitif qui a été présenté et soumis au vote lors de l’assemblée générale des 7 et 8 décembre 2023.
A l'issue des débats, l’assemblée générale a voté les notamment points suivants :
- la conciliation demeure au choix du bâtonnier qui est libre de l’ordonner ou non ;
- seule la tentative de conciliation est obligatoire (et non la conciliation), ce qui oblige les parties à se présenter devant le conciliateur. L’assemblée a voté que cette obligation n’est pas assortie d’une fin de non-recevoir ;
- le délai de conciliation de deux mois court à compter de la première convocation, ce délai pouvant être prorogé, à la demande des parties, pour une durée que le bâtonnier fixe mais qui ne peut pas dépasser trois mois ;
- en cas de succès de la conciliation, l’accord est constaté dans un procès-verbal signé par les parties ; en cas d’échec de la conciliation, il en est le procès-verbal est dressé par le ou les conciliateurs ;
- la conciliation interrompt le délai de prescription de la procédure d’arbitrage.
Projet d’article 179-1 nouveau du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :
« En cas de différend entre avocats appartenant à un même barreau à l’occasion de leur exercice professionnel, le bâtonnier est saisi par l’une ou l’autre des parties.
Le bâtonnier peut ordonner une tentative de conciliation même dans le cas où une mesure d’urgence est sollicitée par l’une ou l’autre des parties sur le fondement des articles 148 et 179-4 du présent décret. Dans ce cas, il désigne dans les quinze jours de sa saisine un ou plusieurs conciliateurs parmi les membres ou anciens membres du Conseil de l’Ordre, les anciens bâtonniers de l'ordre, les anciens vice-bâtonniers de l’ordre, les anciens membres du conseil de l'ordre, ainsi que les anciens bâtonniers, vice-bâtonniers et anciens membres du conseil de l'ordre honoraires inscrits sur une liste qu'il dresse chaque année après délibération du conseil de l'ordre. Cette désignation est notifiée par tous moyens aux parties à la diligence du bâtonnier.
Lorsqu’elle est ordonnée par le bâtonnier, la tentative de conciliation oblige les parties à rencontrer le conciliateur afin de les informer de l'objet et du déroulement de la mesure de conciliation.
Le ou les conciliateurs ont pour mission de convoquer les parties, de les entendre et de les inviter à se concilier. La conciliation ne peut durer plus de deux mois à compter de la première convocation, sauf prorogation, à la demande conjointe des parties, ordonnée par le bâtonnier pour la durée qu’il fixe qui ne peut excéder trois mois. Elle prend fin soit par la conclusion d’un accord, soit à l’initiative du ou des conciliateurs, soit à la demande de l’une ou l’autre des parties, soit au terme du délai fixé si aucun accord n’est intervenu.
L’accord est constaté dans un procès-verbal signé par les parties. En cas d’échec de la tentative de conciliation, il en est dressé procès-verbal par le ou les conciliateurs.
Ce procès-verbal est notifié par tous moyens aux parties à la diligence du bâtonnier.
Les constatations du ou des conciliateurs et les déclarations et écrits qu’ils recueillent ne peuvent être ni produits ni invoqués dans la suite de la procédure sans l’accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d’une autre instance.
Les demandes additionnelles ou reconventionnelles formulées dans un litige qui a été soumis à conciliation sont recevables devant le bâtonnier si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Le ou les conciliateurs ne peuvent pas être délégués par le bâtonnier pour arbitrer la même affaire ».
Projet d’article 179-5 nouveau du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :
« Le bâtonnier rend sa décision dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine.
Si la nature ou la complexité du différend le justifie, ce délai peut être prorogé de quatre mois par décision motivée, notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Lorsque le bâtonnier n’a pas pris de décision dans le délai fixé, chacune des parties peut saisir la cour d’appel dans le mois qui suit l’expiration de ce délai.
Si une tentative de conciliation a été ordonnée, le délai initial de quatre mois prévus par le présent article est interrompu. Le délai court à compter de la notification du procès-verbal qui constate l’échec de la conciliation. »
Ces deux projets de texte seront transmis à la Chancellerie.