Le gouvernement avait promis, avec la loi du 23 mars 2019, de réformer la justice en profondeur pour la rendre plus lisible et plus efficace.
L’application de cette réforme, menée sans prendre en compte les alertes des acteurs de la chaîne judiciaire, est désormais l’objet de toutes nos inquiétudes.
En effet, qui dit réforme de l'organisation judiciaire ou de la procédure de divorce, dit décret d'application en matière de procédure civile. Or, à désormais quelques semaines de la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance, rien n'est prêt et des règlements indispensables à l’application de la loi ne sont pas encore parus.
Nous avions dès l’origine attiré l’attention de la ministre sur le trop court délai fixé pour l'entrée en vigueur de ces dispositions (9 mois). Nous avions par ailleurs réclamé les projets de décret dès la préparation de la loi, pour tenter d’anticiper et d’être - enfin - réellement associés à l’élaboration du texte.
De manière tristement habituelle, ce n'est qu'en septembre que les organisations syndicales du ministère de la Justice ont eu communication d’un projet de texte déjà très avancé, sans que le temps laissé pour le commenter (15 jours) ne laisse penser que le ministère se préoccupait de prendre en compte leur avis. Que dire alors de la communication de ces projets aux organisations représentant les avocats le 15 novembre dernier ?
Pour « rassurer » les professionnels et leur permettre d’être prêts dans les temps, la direction des affaires civiles et du Sceau a mis en ligne sur l’intranet du ministère le projet de décret ainsi que des fiches pratiques, et charge les chefs de juridiction de les diffuser dans les services.
Les magistrats, les greffiers et les avocats sont ainsi sommés de se préparer à l’utilisation d’une procédure sur laquelle l’avis du Conseil d’Etat n’a pas encore été rendu et sans que le décret officiel ne soit encore paru, alors même que les nouvelles règles proposées peuvent poser largement question en termes de respect des droits du justiciable :
- saisine du tribunal unifiée, au détriment de la saisine par requête qui permettait un accès à la justice à moindre coût dans certaines matières;
- obligation de réserver une date d’audience avant l’assignation, alors même que les outils informatiques pour permettre d’obtenir facilement une date ne sont pas encore prêts du côté des tribunaux et que cela va entraîner dans un certain nombre de juridictions une surcharge de travail pour le greffe au détriment d’autres tâches;
- exécution provisoire de droit des décisions de justice de nature à dissuader le justiciable de faire appel compte tenu des délais de traitement devant les cours d’appel…
Nous dénonçons cette nouvelle marque de défiance à l’égard des professionnels qui rendent et concourent à la justice, et d’indifférence pour le sort de milliers de justiciables qui ne pourront que subir les conséquences de cette désinvolture.