Le CNB a obtenu, par jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars dernier, l’annulation d’un marché public d'assistance à maîtrise d'ouvrage attribué par une communauté de communes à un bureau d’études intervenant en sous-traitance avec un cabinet d’avocat.
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Une première résiliation obtenue en 2015 à l'initiative de la commission exercice du droit
Dans cette affaire, le Conseil national des barreaux, sous l'impulsion de sa commission Exercice du droit, avait obtenu d’une communauté de communes la résiliation, par décision du 30 avril 2015, d’un premier marché d’assistance technique, juridique, administrative et financière pour la passation d’un marché portant sur la collecte, le transport et le traitement des déchets.
La société attributaire ne respectait pas les prescriptions de l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques modifiée.
Cependant, à l’issue de cette résiliation, la collectivité a procédé, selon la procédure adaptée de l’ancien article 28 CMF (abrogé ord. 2015-399 23 juillet 2015), à une seconde consultation, et par un acte d’engagement du 18 août 2015, le nouveau marché a été attribué, dans des termes similaires, à une autre société de conseil qui s’était adjoint le concours d’un cabinet d’avocat.
Un second marché contesté devant le juge administratif
Estimant que cette société ne justifiait pas d’une habilitation légale pour délivrer des consultations juridiques, indispensable pour être attributaire de ce marché, le CNB a demandé au tribunal, par requête en date du 29 septembre 2015, d’annuler le marché litigieux et de l’indemniser des préjudices économiques et moraux subis à raison de cette intervention illicite.
Le tribunal administratif de Nantes, par jugement en date du 21 mars 2018, déclare le CNB recevable dans son action, compte tenu de la mission qui est lui est confiée par la loi du 31 décembre 1971 et des questions d’ordre générale soulevées par le litige, écartant, par voie de conséquence, la fin de recevoir soulevée par la collectivité.
Le tribunal entérine l’analyse du CNB
Entérinant l’analyse soutenue par le CNB, le tribunal reconnait que ce marché comportait des prestations de consultation juridique, et entrait donc dans le champ d’application de la loi du 31 décembre 1971, eu égard à son objet et aux stipulations du règlement de la consultation, lequel prévoyait que « pour l’exécution des prestations juridiques, le candidat devra être en mesure de justifier qu’il respecte les dispositions de l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 par l’un des moyens suivants : disposer en interne de la compétence juridique appropriée à la consultation et à la rédaction en matière juridique ou répondre en groupement d’entreprises avec une structure disposant de la compétence précitée ».
Ce règlement écartait aussi toute possibilité de recourir à la sous-traitance pour la réalisation des prestations relevant de ladite loi de 1971.
Statuant sur la validité du marché, le jugement énonce que si l’article 45 du Code des marchés publics applicable à la cause (abrogé ord. 2015-399 23 juillet 2015) autorise les soumissionnaires à s’adjoindre le concours de spécialistes par la voie de la sous-traitance, les dispositions particulières régissant l’exercice du droit, et dont le pouvoir adjudicateur doit assurer le respect à tous les stades de la mise en concurrence, imposent que les prestations de consultation et de rédaction d’actes en matière juridique soient délivrées directement par des professionnels disposant des qualifications requises par la loi.
Le tribunal en tire la conséquence que ces derniers ne peuvent intervenir « qu’en qualité de cotraitants du marché à l’exécution duquel ils doivent participer et donc signataires de l’acte d’engagement », ce qui n’était pas le cas de l’avocat désigné par la société attributaire, pour « procéder à une relecture de l’ensemble des pièces du dossier de consultation des entreprises (…) et une relecture du rapport d’analyse des offres [reçues pour la passation du marché] ».
Constatant que ce marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage était affecté en son objet d’une illégalité d’une particulière gravité, le tribunal annule le marché litigieux, sans que puisse y faire obstacle l’exécution de ce contrat ou la circonstance que celui-ci ait permis l’attribution du marché portant sur la collecte, le transport et le traitement des déchets en cours d’exécution.
En l’espèce, il était aussi reproché à la collectivité d’avoir produit l’acte de candidature en co-traitance, signé par l’avocat et la société de conseil, postérieurement à la clôture des opérations de mise en concurrence.
Le tribunal ne fait pas droit à la demande indemnitaire du CNB mais lui alloue la somme de 1500 euros au titre de l’article L.761-1 du Code de justice administrative.