23 ans après la loi 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative instaurant la médiation civile et commerciale, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a introduit le processus de médiation dans le code de justice administrative.
Un cadre juridique pour la médiation administrative
Dorénavant, les articles L. 213-1 et suivants du code de justice administrative et R. 213 et suivants issus du décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif instaurent le cadre de la médiation administrative.
S’inspirant de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 le terme conciliation disparait du code et la médiation est définie à l’article L 213-3 du CJA comme « tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».
Le médiateur peut être choisi par les parties elles-mêmes ou désigné, avec leur accord, par la juridiction. Il accomplit sa mission avec compétence, impartialité, neutralité et diligence. Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité (L 213-2 CJA).
Le principe de confidentialité est écarté, soit pour « des raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique une personne » soit du fait de la volonté des parties.
Signature de la convention sur la médiation en matière administrative entre le Conseil d’État et le CNB le 13 décembre 2017
Un processus tenant compte des spécificités de la sphère publique
Du fait de la complexité de la chaine décisionnelle dans la sphère publique la confidentialité est le sujet qui a fait couler le plus d’encre en la matière. En pratique, le médiateur doit avoir une parfaite connaissance du niveau de décision des parties et de la chaine décisionnelle et les parties doivent pouvoir discuter de solutions sous conditions des décisions et contrôles (contrôle de légalité, autorisation de la part d’un organe délibérant, comptable public …).
S’agissant de l’éventuel accord issu de la médiation, il ne peut porter que sur des droits dont les parties ont la libre disposition (L 213-3 CJA) et les parties peuvent saisir la juridiction aux fins d’homologation par voie de conclusions (L 213-4 CJA).
L’article L 213-5 du CJA instaure le régime de la médiation conventionnelle organisé librement entre les parties mais cet article prévoit aussi la possibilité, « en dehors de toute procédure juridictionnelle, de demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel territorialement compétent d'organiser une mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont chargées, ou lui demander de désigner la ou les personnes qui sont chargées d'une mission de médiation qu'elles ont elles-mêmes organisée ».
Il s’agit là d’une décision qui n’est pas susceptible de recours et il a été instauré un régime de gratuité des médiations dans les cas où la médiation préalable est obligatoire.
Autre spécificité, l’article L. 213-6 du code de justice administrative dispose que la mise en œuvre d’une médiation avant saisine du juge interrompt les délais de recours et suspend les prescriptions.
Enfin, en cours d’instance, « Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci » (L 213-7 du CJA) y compris en référé avec comme conséquence la suspension de la décision entreprise sans condition (Tribunal administratif de Strasbourg, Groupement forestier du Herrenstein, 6 mars 2018, n° 1800945).
La médiation expérimentée dans les contentieux de la fonction publique
En plus de ce processus de médiation judiciaire et conventionnel, la loi du 18 novembre 2016 a prévu la mise en œuvre d’une expérimentation de médiation préalable obligatoire dans les domaines de la fonction publique et des contentieux sociaux relevant de la compétence de la juridiction administrative.
Cette expérimentation qui est entrée en vigueur le 1er avril 2018 et prévoit la mise en place sur 4 ans d’une médiation préalable obligatoire pour le contentieux de la fonction publique dans 46 départements, 3 académies et sur tout le territoire s’agissant des travailleurs privés.
L’expérimentation porte aussi, concernant la fonction publique, sur les litiges relatifs au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dans les académies d’Aix-Marseille, Clermont-Ferrand et Montpellier et par l’intermédiaire de 44 centres de gestion de la fonction publique territoriale.
S’agissant de l’aide sociale, cette expérimentation va être limitée géographiquement aux départements du Bas-Rhin, de l’Isère, de la Haute-Garonne, de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire et de la Meurthe-et-Moselle.
Les défis que nous devons relever sont à notre portée. Le « décollage » des procédures amiables en matière administrative dépend de l’engagement de chacun ‘entre nous : les juges et les avocats.
Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, 17 juin 2015
Il s’agit pour les avocats d’une réelle opportunité à saisir, soit en accompagnant nos clients dans le cadre des médiations soit en exerçant la fonction de médiateur et en se faisant connaître à travers l’annuaire du Centre National de Médiation des Avocats.
La médiation administrative en chiffres
- 318 médiations
- 219 terminées (63% de taux de réussite)
- 40% des médiations sont en marchés publics
- 20% en fonction publique
- 11% en domaine public
- 7% en urbanisme