Une délégation du CNB s’est rendue, les 25 et 26 septembre dernier, à La Haye pour aller à la rencontre des juges et des avocats exerçant au sein près la Cour pénale internationale. Cette rencontre a permis d’échanger avec les divers acteurs de cette institution internationale garante de l’Etat de droit international. A l’issue de cette visite, et compte tenu de la violence des attaques contre la CPI, le CNB a décidé d’un plan d’actions au soutien de la Cour et de la place des avocats en son sein.
Le CNB a mis en place, en 2024, un groupe de travail dédié à la justice pénale internationale afin d’engager une réflexion sur la place et le rôle de la défense au sein de la Cour pénale internationale ainsi que l’implication des avocats français intervenant devant la CPI.
La représentation institutionnelle des avocats au sein de la Cour est largement défaillante, ce qui contribue à fragiliser l’efficacité du dispositif et contribue à instaurer un climat de défiance au sein de la communauté juridique de la Cour.
En outre, les récentes sanctions américaines contre des membres du personnel de la Cour et de possibles sanctions institutionnelles, instaurent un climat de pression et de peur, à même d’entraver le travail de la CPI. Or la fragilisation de la CPI risquerait d’entrainer un retour à l’impunité pour les crimes les plus graves, en particulier dans les conflits où les États sont parties prenantes.
Pour sortir de la crise, de nombreux experts et ONG plaident pour une réforme en profondeur de la CPI :
- Renforcer l’indépendance des juges et du procureur ;
- Améliorer la représentation géographique et la diversité au sein de la Cour ;
- Accroître les moyens financiers et logistiques ;
- Développer des mécanismes de coopération avec les États et les organisations régionales ;
- Promouvoir la complémentarité entre justice internationale et justice nationale.
L’avenir du multilatéralisme judiciaire dépendra de la capacité de la communauté internationale à réformer, à soutenir et à protéger la CPI contre les tentatives de déstabilisation.
Face à ces défis, le CNB, attaché à la CPI comme mécanisme indispensable au respect de l’Etat de droit au niveau international, propose modestement quelques axes de travail au soutien de cette institution, de la présence des avocats en son sein et du renforcement de la capacité des avocats français en droit pénal international devant les juridictions nationales et internationales.
- Actions pour le renforcement de la représentation institutionnelle de la profession d’avocat au sein de la CPI
Le CNB considère qu’il est indispensable que la place des avocats soit renforcée au sein de la Cour. Ce renforcement passe par la mise en place d’actions concrètes pour assurer une pérennité financière à l’ABCPI et pour mieux articuler les actions de l’ABCPI et du BCPD.
Pour ce faire le CNB propose les actions suivantes :
> Organiser un évènement à La Haye à l’occasion de la Conférence des Etats parties qui se réunit du 1er au 6 décembre 2025. Cette conférence, sponsorisée par l’Ambassade de France aux Pays-Bas et coorganisée par l’ABCPI et le CNB pour rappeler le rôle essentiel des barreaux dans la protection de l'indépendance des avocats, la défense de leurs intérêts et le respect des normes professionnelles et de l’Etat de droit, au moment où la CPI est confrontée à des menaces existentielles liées aux sanctions américaines. Cet évènement vise à sensibiliser les Etats parties sur l’importance d’un barreau fort auprès de la Cour.
> Mettre en place un partenariat entre l’ABCPI et le CNB afin de permettre aux avocats français de se former aux procédures applicables devant la CPI et notamment la pratique du contre-interrogatoire, mal connue des avocats français bien qu’en plein essor, y compris devant les juridictions pénales nationales.
> Œuvrer avec l’ABCPI à la mise en place de bonnes pratiques en lien avec la Cour et notamment le Greffe afin de renforcer la visibilité et l’implication du Barreau dans le fonctionnement de la Cour, en rendant obligatoire la formation initiale dispensée par l’association pour pouvoir être inscrit sur les listes du Greffe, ou à tout moins pour pouvoir être éligible au dispositif d’aide judiciaire. En outre, le CNB propose de lancer une réflexion sur une meilleure articulation entre les missions de l’ABCPI et le BCPD.
> Soutenir une meilleure articulation entre l’ABCPI et le BCPD permettant à ce dernier de se consacrer davantage de temps à la sensibilisation sur les questions de défense et à la politique en interne, ainsi qu’au développement d’une stratégie de la Défense, qui fait actuellement défaut, la désignation d’un point focal entièrement dédié aux questions de coopération, à l’instar de ce qui existe au sein du Bureau du Procureur, le recrutement d’un expert en technologies et outils numériques au regard de l’évolution de la preuve et de la question désormais cruciale de son authenticité et l’adoption d’un budget dédié à l’organisation de formations, destinées tant aux membres du Bureau qu’aux équipes de défense, portant sur les enquêtes, le management et les outils technologiques.
- Actions au soutien de l’activité de la Cour
> La France est particulièrement active pour dénoncer et tenter de contourner les conséquences des sanctions américaines. Le CNB doit alerter l’ensemble des barreaux étrangers sur l’importance de se mobiliser au soutien de la préservation de l’Etat de droit international, en mobilisant l’ensemble des forums d’échange dans lesquels nous sommes impliqués : CCBE, G7 des avocats, IBA et UIA notamment pour alerter les entreprises européennes et l’Union européenne sur leur responsabilité à ne pas surtransposer les sanctions américaines qui ne les concernent pas.
> Communiquer auprès du grand public sur l’importance du mécanisme de la CPI et sur son rôle indispensable pour lutter contre l’impunité au niveau international.
- Actions au soutien du droit pénal international
Relancer les travaux sur la compétence universelle en France en matière de criminalité internationale afin de mieux former les avocats et d’améliorer le dispositif existant.