09 octobre 2025

Le CNB obtient la dissolution judiciaire d'une société commerciale enfreignant les articles 54 et suivants de loi du 31 décembre 1971 et l'article 22 du code de déontologie des avocats

Exercice du droit

Par un arrêt en date du 30 septembre 2025, la Cour d'appel de Montpellier prononce la nullité et la dissolution d'une société commerciale non inscrite à un barreau ayant pour objet la délivrance de conseils juridiques. La Cour retient aussi la faute personnelle de la fondatrice et dirigeante de cette société.

Par assignation délivrée le 30 octobre 2023 après deux mises en demeure restées infructueuses, le CNB demandait au tribunal de commerce de Montpellier de voir juger illicite l'objet social d'une société par action simplifiée (SAS) immatriculée le 28 juillet 2021 au RCS d'Avignon, ayant pour objet le « conseil juridique digitalisé », de prononcer sa dissolution judiciaire et de juger responsable de ces manquements la dirigeante de cette société qui a la qualité d'avocate. 

Pour le CNB, les statuts conféraient à cette société une activité de délivrance à titre habituel et rémunérée de consultations juridiques et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui, alors que cette société n'était pas inscrite au tableau d'un barreau et comptait parmi ses associés des personnes n'ayant pas la qualité d'avocat. 

La partie défenderesse faisait valoir, à l'inverse, que l'activité exercée par cette société relevait des activités commerciales accessoires autorisées aux avocats en application des dispositions de l'article 111 du décret du 27 novembre 1991, reprises à l'article 22 du code de déontologie des avocats, et qu'en tout état de cause, l'objet social de ladite société avait été régularisé postérieurement à l'assignation.

Par jugement du 25 novembre 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a jugé que les « ajustements réalisés par la société répondaient aux exigences de conformité à la loi et à la déontologie de la profession d'avocat », déboutant de ses demandes le CNB, lequel était également condamné à payer 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Infirmant le précédent jugement, la Cour d'appel constate que l'objet statutaire de cette société commerciale non inscrite à un ordre d'avocats lui conférait une activité de délivrance d'avis personnalisés à sa clientèle, si bien qu'elle revêtait un caractère illicite au regard des dispositions des articles 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et de l'article 22 du code de déontologie des avocats.

Pour la Cour, le caractère illicite de l'objet social doit s'apprécier au moment de la création de la société, et non a posteriori comme le soutenait la partie adverse, de sorte que la modification postérieure des statuts de la société, invoquée par les intimées, était inopérante à rendre son objet social licite. 

La Cour rappelle que l'exercice d'une activité commerciale dérogatoire est strictement réservé aux avocats et que ladite société n'étant pas une société d'avocats, elle ne pouvait donc se prévaloir de ce fondement pour justifier de la légalité de ses activités. En l'espèce, la dirigeante n'avait pas informé le conseil de l'ordre du barreau dont elle relève dans le délai de trente jours suivant le début de l'activité concernée.

Constatant l'illicéité de l'objet social de cette société, la Cour d'appel de Montpellier déclare la nullité du contrat de société et prononce sa dissolution judiciaire en ordonnant l'ouverture des opérations de liquidation de la société et en désignant un liquidateur. 

La Cour retient aussi la faute personnelle détachable de la présidente de la société en ce qu'elle prétendait de comprendre les exigences du CNB, alors qu'elle ne partageait pas son analyse de l'illicéité de l'objet social de la société et entendait poursuivre l'activité irrégulièrement exercée. 

La société et sa présidente sont condamnées à verser au CNB la somme de 1 euro symbolique en réparation de ses agissements qualifiés par la Cour de « peu confraternels » ainsi que la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

La Cour ordonne également la fermeture sous astreinte du site https://sosavosdroits.fr/ exploité par cette société dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt. Ce site internet induit une grave et dommageable confusion dans l'esprit du public, avec l'exercice de la profession réglementée d'avocat. 

En revanche, la Cour rejette la demande du CNB de publication de la décision et déboute la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive.