Sur renvoi après cassation, l’exploitant d’un site tiers de référencement d’avocats et d’intermédiation est condamné à raison de ses pratiques de notation qui présentaient un caractère trompeur. Dans cette affaire l'opposant à la société Jurisystem, le CNB obtient une décision de principe renforçant l’obligation de loyauté des plateformes d’intermédiation de services juridiques.
La Cour d’appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, a rendu le 7 décembre 2018 son arrêt dans cette affaire emblématique opposant le CNB à la société JURISYSTEM, exploitante du site internet www.avocat.net renommé en cours de procédure www.alexia.fr.
Dans son arrêt du 18 décembre 2015, la cour d’appel de Paris avait condamné la société JURISYSTEM sous astreinte à la rétrocession au profit du CNB des noms de domaine « avocat.net », « iavocat.fr » et à la suppression de son site internet de diverses mentions jugées trompeuses (interdiction des slogans « le comparateur d’avocats n°1 en France », « comparez les avocats » et « comparateur d’avocats »).
La cour avait aussi fait interdiction à cette société de procéder et d’établir des comparateurs et notations d’avocats depuis son site internet (ce système de notation étant apparu au cours de l’instance d’appel).
Ce dernier point a justifié la censure de la première chambre civile de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 11 mai 2017, a considéré que l’interdiction faite aux avocats par le décret « déontologie » du 12 juillet 2005 (art. 15) de toute publicité comparative ou dénigrante était insuffisante pour motiver une telle interdiction des pratiques de notation et de comparaison d’avocats.
La haute Cour a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Versailles qui était appelée à statuer sur le caractère loyal, clair, transparent de la notation et du référencement d’avocats pratiqué sur ce site internet.
Tout d’abord, la cour reconnaît pleinement la recevabilité du CNB à agir sur renvoi après cassation sur la notation des avocats.
Statuant sur le caractère trompeur de la notation et de la comparaison des avocats pratiquée sur le site alexia.fr, la cour d’appel de Versailles fait une distinction entre deux périodes : avant l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 décembre 2015 et après.
Sur la période antérieure, la cour considère que celle-ci ne respecte pas les dispositions combinées des articles L 121-1, L 111-5-1 du code de la consommation (L. 6 août 2015), de l’article 19 de la loi LCEN n°2004-575 du 21 juin 2004. Elle précise que les textes ultérieurs aux faits constatés en novembre 2015 ne sont pas applicables (art. L. 111-5, L. 111-5-1, L. 111-7, Cconso, mod. Ord. 14 mars 2016, L. 7 octobre 2016), ces textes étant cités pour éclairer la Cour sur l’évolution du droit positif.
La Cour relève que s’il existait bien des critères de référencement, il n’en résulte pas qu’une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement, et de déréférencement des offres mises en ligne ait été délivrée aux consommateurs.
Les conditions d’application de l’obligation d’information incombant aux plateformes sont bien précisées et portent cumulativement sur :
- les CGV du service d’intermédiation,
- le référencement,
- le classement
- le déréférencement.
Sur la période postérieure à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 décembre 2015, la cour d’appel de Versailles considère que le CNB ne démontre pas que la société exploitante ne délivre pas aux usagers une information loyale, claire et transparente sur les critères de référencement et de comparaison des avocats du site alexia.fr dont elle souligne que le système a été modifié depuis (suppression de toute référence à un système de notation et de comparaison des avocats).
L’arrêt refuse ainsi le prononcé d’une mesure d’interdiction et/ou d’une mesure contraignant l’éditeur du site internet à publier les critères précités.
Dans ses écritures, le CNB soutenait :
- que la spécificité de la prestation de service de l’avocat impose aux opérateurs de plateformes numériques, au-delà des prescriptions le Code de la consommation, une obligation d’information renforcée, au regard de la nature spécifique des prestations proposées relatives à l’activité des avocats, auxiliaires de justice ;
- que la pratique des avocats paraît particulièrement délicate à évaluer de manière objective et indépendante, d’où la demande d’interdiction de ces pratiques au regard de l’opacité des critères retenus.
Cette décision rappelle que le CNB, par ses actions, protège les justiciables et internautes contre les tromperies en ligne dans le domaine juridique.
Le CNB investit aussi dans un vaste plan de transformation numérique pour permettre aux avocats de bénéficier des outils numériques les plus agiles et sécurisés.