Le tribunal administratif de Poitiers fait droit à la requête du Conseil national des barreaux visant à l’annulation d’un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) conclu avec une société de conseil en violation des prescriptions d’ordre public des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971. Le CNB se félicite de cette décision qui reconnait la légitimité du CNB à agir en demande devant les juridictions administratives pour la défense du périmètre du droit et impose, en présence d’un marché d’AMO comportant un volet juridique, une réponse en groupement conjoint avec un cabinet d’avocats et /ou un allotissement des prestations juridiques.
Le CNB contestait la régularité de l’attribution à une société dite « d’expertise et de conseil pour la gestion des services publics » d’un marché à assistance maîtrise d’ouvrage pour l’élaboration et la passation d’un marché de collecte des déchets ménagers, au motif que ce marché relevait, dans son ensemble et pour l’essentiel, d’une activité de conseil juridique que la société attributaire n’était pas habilitée à exercer à titre principal.
Reconnaissance de l’intérêt à agir du CNB
Le tribunal administratif reconnait l’intérêt à agir CNB, en vertu des dispositions de l’article 21-1de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 qui habilite l’institution nationale représentative de la profession d’avocat à intervenir devant toutes les juridictions, pour faire sanctionner les faits qui portent un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession, et eu égard au fait que, le marché litigieux entre bien dans le champ d’application des dispositions du Titre II de la loi précitée de 1971.
Il est donc acquis que le CNB est pleinement fondé à contester devant les juridictions administratives la validité d’un marché public portant atteinte aux prescriptions de la loi du 31 décembre 1971 en vue de s’assurer que les prestations du marché seront délivrées directement par des professions disposant des qualifications requises par les articles 54 et suivants de la loi précitée.
Une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage relevant pour l’essentiel d’une activité de consultation juridique à titre principal
Après analyse des conditions du marché décrites dans le règlement de consultation et dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), le tribunal considère que le marché doit être regardé comme confiant notamment au prestataire une activité de conseil juridique comprenant une analyse approfondie du droit applicable et une qualification de la situation au regard de la prise en compte des besoins de la collectivité et de la réglementation en vigueur.
La circonstance que les conseils dispensés portent pour partie sur des aspects techniques et financiers du futur marché de collecte des déchets ménagers ne s’oppose pas, pour les juges, à ce que la mission litigieuse soit considérée en tant que tel comme relevant d’une activité de consultation juridique exercée à titre principal, dès lors que le marché comprenait une part de conseil juridique personnalisée prépondérante pour sécuriser la procédure de passation.
Annulation du marché entièrement exécuté
Cette mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage ne pouvait être attribuée à cette société de conseil, laquelle n’est habilitée en vertu des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971, qu’à délivrer des consultations juridiques accessoires relevant de son activité principale dans les limites de sa qualification.
Le tribunal prononce par voie de conséquence l’annulation du marché déclaré contraire à la loi du 31 décembre 1971 et à l’article 30 du Code des marchés publics alors applicable à la cause, sans qu’y fasse obstacle la circonstance de son exécution intégrale.
Le CNB voit toutefois rejeter sa demande visant à obtenir, au titre du préjudice subi, le versement par la collectivité de la somme de 18 075 euros correspondant au montant du marché mais il obtient la somme de 1200 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.